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Un tournant dans la création de la fédération des éleveurs | LETROT
Dossier élevage - volet 1/2

Un tournant dans la création de la fédération des éleveurs

15/03/2025 - GRAND FORMAT - 24H au Trot
C'est un tournant. Le projet d’une Fédération nationale des Eleveurs de trotteurs vient de connaître ces dernières heures un sacré rebondissement. Alors que le projet était porté jusqu'à présent par six associations d'éleveurs au rayonnement régional, l'absence du principal acteur français, la Société du Cheval Anglo-Normand, créait comme un vide. Des discussions nouvelles se sont déclenchées ces derniers jours entre les parties, alors même que nous avons multiplié nos consultations pour faire le point sur ce dossier Fédération des éleveurs. Et la Société du Cheval Anglo-Normand présidée par Jean-Pierre Viel vient d'annoncer qu'elle se mettait à la table des discussions. Voici une nouvelle position qui change les contours du projet.
© JLL - SETF© JLL - SETF
Le projet "Fédération des Eleveurs de Trotteurs Français" s'accélère. L'annonce faite par le syndicat des éleveurs normands (la Société du Cheval Anglo-Normand) de participer aux prochains échanges sur le sujet fait bouger les lignes. Des premières orientations avaient été prises ces derniers mois dans le cadre d’échanges animés par le GAET (Groupement pour l’Amélioration de l’Elevage du Trotteur Français) et son président Albéric Valais. Des choix statutaires, une option de financement de la Fédération étaient sur la table. Mais ces travaux avaient réuni six associations régionales d’éleveurs. Les deux absentes dont la Société du Cheval Anglo-Normand, le plus puissant représentant régional, viennent d'accepter les échanges.
La question de la représentation de la Fédération au sein des commissions Elevage et Livre Généalogique de la SETF
C’est l’un des sujets clés qui gravitent autour du projet de la Fédération nationale des Eleveurs. Quelle représentation aura-t-elle dans les commissions (consultatives) d’élevage et du Livre Généalogique de la SETF ? Rappelons que les éleveurs disposent déjà ès qualité d'un représentant du GAET et du SNECTF dans la commission élevage. La/les place(s) faite(s) aux représentants de la future fédération des éleveurs sera/ont-elle(s) des ajouts ou des échanges ? Rien n’est encore décidé sur ce point nous apprend Albéric Valais : "On est en négociation actuellement. C’est un sujet sur lequel il est encore impossible de s’avancer."
Parmi les réserves relatives à la création d'une fédération nationale, certains évoquent le risque de voir les équilibres de représentation d'un système (qui a fait ses preuves) mis à mal.

Le contexte

C’est sur la base d’un secteur fragmenté en entités représentatives régionales que l’élevage français du trot est actuellement articulé. L’acteur à dimension nationale, le SNECTF (Syndicat National des Eleveurs de Chevaux Trotteurs Français), a depuis longtemps été relégué au rang de simple observateur. Les choses changent de son côté avec une nouvelle équipe emmenée par son président Stéphane Provoost. L’idée d’une fédération nationale des éleveurs n’est pas neuve. Elle a été remise sur le devant de la scène en 2022, notamment par le GAET (Groupement pour l’Amélioration de l’Elevage du Trotteur Français) à partir du constat de la perte d’audience nationale de celui-ci et de son redéploiement à l'échelon régional, dans l’Ouest.
Une initiative qui a vraiment pris corps en 2023
La création d’une Fédération des éleveurs de trotteurs a encore évoquée en 2023 lors de la campagne des élections socioprofessionnelles. Depuis lors, le GAET et son président Albéric Valais ont endossé le rôle d’animateur du projet. Il y a un an dans un premier dossier sur ce projet d'une fédération des éleveurs (à retrouver par ce LIEN), Albéric Valais, président du GAET, nous avait rappelé les bases de sa démarche : "On a fait le tour de l’ensemble des associations d’éleveurs l’an dernier (lire en 2023) et ils sont globalement tous favorables à la création d’une fédération nationale. Chacune est très attachée à conserver son identité et ses spécificités, et c’est d’ailleurs le cas du GAET. En revanche, pour travailler et remonter des dossiers techniques et/ou politiques, il y aurait utilité à être fédérés. On sait que la SETF est assez favorable à avoir un interlocuteur représentatif de chacun des corps de métiers. Le Syndicat des Entraîneurs, Drivers et Jockeys joue ce rôle. Une fédération d’éleveurs pourrait aussi l’avoir dans notre secteur."
Les éleveurs sans représentants nationaux
Effectivement, contrairement aux propriétaires avec le SNPT (Syndicat National des Propriétaires de Trotteurs) ou aux professionnels des courses avec le SEDJ (Syndicat National des Entraîneurs, Drivers et Jockeys de Trot), des organisations actives et nationales, l’élevage n’a pas de représentation nationale incontestable - ni le SNECTF, ni le GAET n'étant en mesure de jouer actuellement ce rôle. Contrairement aussi, de ce point de vue, au galop où la puissante Fédération des Éleveurs est incontournable et joue de rôle d’interlocuteur central de l’élevage. À noter que cette Fédération des Eleveurs du Galop est, au gré des échanges, souvent désignée comme inspiratrice sans en faire un modèle absolu dès lors que les particularités propres à chaque filière du trot et du galop peuvent aussi prendre le pas sur le dénominateur commun des problématiques.
Où en est-on en 2025 ?
Jusqu'ici, six des huit associations à vocation régionale et sélectionnées pour être membre d’une possible fédération nationale (car considérées comme représentatives sur leur zone d’influence) ont participé aux échanges animés par le GAET. Ces échanges ont pris forme de vision-conférences ou de présentation lors de certaines AG d’associations régionales (le cas par exemple de celle de l’AETCE).
Huit associations représentatives retenues pour être membres d'une future fédération des éleveurs
→ Les associations qui ont participé aux travaux :
■ AETCE (Association des Eleveurs du Centre-Est)
■ Association des Eleveurs de Trotteurs Français de la Loire (AETFL)
■ GAET (Groupement pour l’Amélioration de l’Elevage du Trotteur Français)
■ GETSO (Groupement des Eleveurs de Trotteurs du Sud-Ouest)
■ Qualitrot Picardie
■ UPECT (Union des Propriétaires et Eleveurs de Chevaux Trotteurs)
→ Les deux associations qui ont été invitées mais n’ont pas participé à ce jour aux travaux (les deux vont intégrer les prochains tours de table) :
■ SNECTF (Syndicat National des Eleveurs de Chevaux Trotteurs Français)
■ Société du Cheval Anglo-Normand

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Les objectifs de la fédération

Les objectifs et bénéfices d’une Fédération d’éleveurs de Trotteurs Français sont définies de la manière suivante dans la présentation faite dans le bulletin n°164 de janvier 2025 du GAET : "Agréger les forces/poids de chacune des associations régionales dans une fédération nationale qui aura de l’impact ; dynamiser les associations « régionales » ; être une force de proposition et d’arbitrage pour faire valoir nos choix et notre voix à la Commission d’Elevage et à la Commission du Livre Généalogique ; apporter un service aux éleveurs qui sont souvent isolés : statistiques, juridique, économique. Exemple : actions mutualisées auprès des assurances, génotypage, etc."

L'interview

Rencontré dans le cadre de l’Assemblée Générale du GAET, mercredi 12 mars à Laval, Albéric Valais nous fait le point sur le processus d’information et de consultation qui pourrait conduire à la création de la Fédération des Eleveurs. En écho, nous avons sollicité chacune des associations engagées dans le processus (à retrouver dans notre prochaine édition dans le volet 2/2 de ce dossier).
24h au trot.- Quel accueil avez-vous eu lors des échanges que vous avez animés notamment en visio-conférences sur le projet de fédération ?
A.V.- Un bon voire même très bon accueil. Cela a déjà été très positif de travailler entre associations. On a pu déjà voir les fonctionnements et les dynamiques de chacune. On s’aperçoit que les unes et les autres ont des actions techniques qui peuvent s’enrichir et sont différentes alors que trop souvent on les enferme dans une image figée de groupements de petits éleveurs, sans vraies perspectives, avec comme action phare le tirage au sort de saillies.
Abordons le sujet de la représentation de chacune des associations, un point statutaire important.
A.V.- Toutes les associations membres seront représentées à part égale. La question du poids représentatif de chacune a été discutée. J'ajoute même que c’est un des points que nous avons le plus discuté. Il ressort dans la formalisation actuelle de nos statuts cette représentation égale de chaque association/collège. Chaque collège disposera de trois voix.
La Fédération n’aura pour membres que des associations ?
A.V.- Oui et non. Car pour intégrer les éleveurs qui ne sont pas membres d’une association, nous avons créé un collège spécifique des éleveurs indépendants. Ils seront en quelque sorte représentés comme s’ils composaient une association et désigneront leurs mandants. Ils seront reconnus dans le cadre d’une adhésion directe.
Au sujet de l’adhésion justement. Quel principe a été retenu ?
A.V.- Nous n’avons pas encore discuté du coût d’adhésion de chaque association. Ce devrait sans doute être symbolique. En revanche, on a cherché un financement structurel. Différentes pistes ont été évoquées (N.D.L.R. : certains participants aux travaux en diront plus dans notre prochaine édition). Quant aux adhérents directs, ils auront une cotisation équivalente à l’une des associations.
Quels sont vos arguments pour créer une fédération d’éleveurs alors qu’il existe des organes nationaux où les éleveurs sont représentés comme les Commissions d’élevage et du Livre Généalogiques de la SETF ?
A.V.- Une fédération nationale me semble importante et même essentielle. Elle permettra de faire des choses différentes de ce qui se fait dans les associations régionales. Je pense à des sujets techniques comme la génomique par exemple. Chaque association pourra apporter des sujets qui seront ainsi partagés. On voit aussi ce qu’il se passe au galop. La Fédération des Eleveurs a pris sa place dans le paysage et on a même l’impression que France Galop a laissé des prérogatives à la Fédération des Eleveurs. On n’en est pas là au trot. Maintenant, c’est à nous d’écrire notre propre histoire.
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NOTRE INFO : la Société du Cheval Anglo-Normand prête à découvrir le projet
À ce jour, les représentants de la Société du Cheval Anglo-Normand n’ont jamais répondu aux invitations qui leur ont été faites. Le syndicat régional le plus puissant de France (par son nombre d’adhérents et la réussite des ventes de Caen qu’elle gère) va changer de posture nous a appris son président Jean-Pierre Viel : "Nous allons échanger sur le projet avec les autres associations régionales. Il s’agit pour l’heure de voir s’il est possible de faire quelque chose ensemble. Nous voulons connaître le projet et avoir les avis des autres associations d’éleveurs. Pour pouvoir m’associer avec quelqu’un dans un tel projet fédératif, il faut que le connaisse. Si ce projet peut vraiment servir à quelque chose et que tout le monde envisage les choses dans le même sens, nous pourrions en être. Si ce n’est pas le cas et je constate que chacun tire dans son coin, nous resterons indépendants et n'y participerons pas. Ce qui est sûr, c’est que tout cela ne se fera pas en cinq minutes. Il va falloir un peu de temps." Voilà une nouvelle ligne de conduite qui s'inscrit dans la logique opposée de celle de la chaise vide et qui pourrait être : "mieux être à l'intérieur pour faire éventuellement changer les choses que ne pas en être".
Le SNECTF se réactive
Singularité dans le paysage avec sa dimension nationale, le SNECTF (Syndicat National des Eleveurs de Chevaux Trotteurs Français) a longtemps été en sommeil. La volonté de la nouvelle équipe d’élus, emmenée par son président Stéphane Provoost, est de donner une nouvelle impulsion à ce syndicat. Si les réserves existent quant à la création d’une fédération nationale (à lire dans le volet 2 de ce dossier), Stéphane Provoost confirme que le SNECTF va participer aux prochains échanges.

N’est-on pas aussi en réponse à une demande de la SETF, celle d’avoir une fédération comme interlocuteur ?
A.V.- Oui mais pas que. Le constat vient aussi du fait par exemple que le GAET a un siège à la Commission de l’Elevage mais que cela n’a pas vraiment de sens qu’on y soit avec également le SNECTF. Le GAET est petit et est désormais plus une association à vocation régionale que nationale. Dès lors, il nous semblait plus logique qu’on se regroupe avec d’autres éleveurs pour offrir une vraie représentation des éleveurs. Au fil du temps, on a su que la SETF souhaitait avoir un interlocuteur élevage au même titre que ce qu’il se passe avec les étalonniers, propriétaires et entraîneurs. D’autres avaient travaillé d’ailleurs sur ce sujet de fédération des éleveurs avant nous il y a des dizaines d’années.
Le fait de ne pas réunir toutes les associations peut-il poser problème ?
A.V.- Notre volonté est de continuer à faire comme on le fait depuis le début pour avoir tout le monde avec nous autour de la table. Les huit associations d’éleveurs ont toujours été informées de tout ce que l’on faisait. On va continuer a minima dans cette voie. Si au lieu d’être six associations actives, on est sept, c’est tant mieux. Et si un jour on est huit, ce sera encore mieux. Notre position est d’être dans l’ouverture avec la conviction qu’il y a des sujets sur lesquels on peut débattre et s’entendre avec tout le monde.
Comment définiriez-vous les objectifs ?
A.V.- Représenter et défendre les intérêts de l’élevage, participer au débat, offrir des services qui n’existent pas comme la veille sanitaire et juridique. La Fédération pourrait être interrogée sur des questions de fiscalité. Par rapport à ces enjeux, les éleveurs sont souvent isolés. Tout ceci constitue ce qu’on peut désigner de service aux éleveurs. Et il y aura comme autres objectifs la représentation de l’élevage aux commissions de l’Elevage et du Livre Généalogique de la SETF. La fédération des éleveurs devra se circonscrire aux sujets de l’élevage. Chacun doit garder ses prérogatives. Il n’est pas question par exemple de s’impliquer sur un débat sur le PMU.
Au niveau avancement du projet, où en est-on ?
A.V.- Le projet, avec les statuts de la fédération, va être présenté au Comité de la SETF au mois de mai. On est dans notre timing. Le lancement officiel pourrait se faire ensuite lors de la journée des Champions, le 22 juin. Ce timing de juin est ambitieux mais aussi tenable à mon sens.
On n’a pas parlé des étalonniers, représentés de leur côté par le SEPT (Syndicat des Etalonniers Particuliers de Trotteurs) ? Ils n’ont par de représentation réservée dans le projet de fédération d’éleveurs ?
A.V.- Non. On les considère évidemment comme des interlocuteurs privilégiés mais qui ne peuvent faire cause commune avec les seuls éleveurs. Nous sommes sur deux versants différents mais liés de l’élevage. Il reste que les étalonniers seront en quelque sorte représentés au sein de la fédération par ceux qui ont une activité élevage.
La fédération des éleveurs devra se circonscrire aux sujets de l’élevage. Chacun doit garder ses prérogatives.

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