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Louis Baudron, questions de vision | LETROT
VENTES AUCTAV J-3

Louis Baudron, questions de vision

19/08/2024 - GRAND FORMAT - 24H au Trot
Président d’Auctav, dont la vente de yearlings, programmée ce jeudi, au Haras de Bois-Roussel, dans l’Orne, inaugure la séquence 2024 en la matière, Louis Baudron a de multiples casquettes, de celle d’éleveur à celle de driver –il fut aussi jockey et monta même au galop, à l’image de son oncle, Jean-Philippe Dubois–, en passant par celles de propriétaire et d’entraîneur. Ses deux grands-pères se nomment Roger Baudron et Jean-Pierre Dubois. Autant dire qu’il était né pour trotter ou pour galoper, car, dans la famille, on est pluridisciplinaire. Son regard sur notre sport en est d’autant plus intéressant. A la faveur des ventes de yearlings qui s’annoncent, en particulier celle dont il est l’instigateur, 24H Au Trot est allé à sa rencontre, en exclusivité.
Louis Baudron - ©EliseFossard Louis Baudron - ©EliseFossard
Arnaud Angéliaume - ©EliseFossard Arnaud Angéliaume - ©EliseFossard

En prolongement de la vente de yearlings trotteurs du 22 août et de celle des Rouges-Terres, aux racines familiales, le 4 septembre, vous proposez, comme ces deux dernières années, une vacation « obstacle », le 20 septembre, soit une pluridisciplinarité qui semble faire écho à celle qui est la vôtre, en tant qu’éleveur et entraîneur…
Oui. J’aime toutes les spécialités. Ce qui compte par-dessus tout, c’est le plaisir d’avoir un bon cheval. Peu importe s’il trotte, galope ou saute. Nous avons quarante poulinières trotteuses, mais aussi vingt juments pur-sang. Il y a trois étalons trotteurs, aux Rouges-Terres (N.D.L.R. : Singalo, Village Mystic et Impressionist), mais également un pur-sang (N.D.L.R. : King Edward). A l’entraînement, cinquante trotteurs côtoient une trentaine de chevaux de galop, dont s’occupe, plus particulièrement, mon épouse, Amandine, actuellement, d’ailleurs, à Deauville, avec un piquet de huit pensionnaires. Je ne pense pas qu’il y ait de véritables frontières entre les spécialités, spécialement entre le trot et l’obstacle, où les investisseurs sont parfois les mêmes. Cette vente « obstacle » s’inscrit donc dans une logique. Ses deux premières éditions ont, en outre, fort bien fonctionné, ayant révélé de bons sujets, comme La Pinsonnière et All In You, pour ne citer que les deux qui me viennent à l’esprit.
Hier, vous aviez un propriétaire qui avait dix chevaux ; aujourd’hui, vous avez dix propriétaires sur un seul cheval

Plus de vente dédiée aux chevaux de plat, en revanche, à la différence de l’année dernière ?
Non. Cette vente arrivait trop tard en saison (N.D.L.R. : mi-octobre) et les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Pour revenir au trot, nous réfléchissons à la création d’une vente lors du premier semestre, une période pendant laquelle, hormis en ligne, nous n’avons, pour l’heure, aucun rendez-vous avec les acheteurs. Nous avons en tête une vacation mixte, ouverte à toutes sortes de chevaux, qui pourrait se dérouler au printemps, au mois d’avril par exemple. Les chevaux ayant performé au cours du meeting d’hiver pourraient trouver là l’occasion de bien se négocier.
Nous réfléchissons à la création d’une vente mixte de trotteurs, qui pourrait se positionner au printemps.

Parlez-nous de votre expérience en Australie, il y a quelques années, aux côtés de votre oncle, Jean-Etienne Dubois, et de votre présence actuelle aux Etats-Unis.
En Australie, j’avais des chevaux de galop, que j’entraînais à côté de Sydney, comme Jean-Etienne. J’ai dû y rester environ une année, mais je ne suis pas tombé amoureux du pays, je n’ai pas été « accroché ». Pour autant, j’y ai appris des choses, notamment sur les syndicats de propriétaires, qui sont une institution, là-bas, et que l’on encourage depuis longtemps. L’organisation des courses y est, en outre, remarquable. Les hippodromes sont utilisés au maximum de leurs possibilités, y compris pour d’autres activités. Cela draine beaucoup de public. On devrait s’inspirer, chez nous, de telles pratiques. Notre défaut est d’être quelque peu statique, de ne pas faire des tentatives pour progresser, de peur d’échouer. Mais, si c’est le cas, tant pis, on rebrousse chemin et on tente autre chose. Ce n’est pas grave. La fortune sourit aux audacieux.
Quant aux Etats-Unis, j’y ai une antenne, dirigée par Nicolas Roussel. Il y a huit chevaux là-bas, que j’ai en partenariat, entre autres avec des membres de la famille. Avec le courtier Florent Fonteyne, nous avons investi dans des yearlings, aux ventes américaines, tels Matthews, un fils de Father Patrick, et Montmartre, une fille de Walner, qui viennent d’ouvrir leur palmarès, à 2 ans. Je suis allé les driver. C’est ma récréation ! Ce sont des chevaux que nous avons tout de même achetés dans un créneau allant de 50.000 à 100.000 dollars. On a aussi envoyé outre-Atlantique des juments françaises trop jeunes pour être inséminées en France, eu égard à la réglementation en vigueur. Parmi elles, House Music, une fille de Ready Cash et Pirogue Jénilou qui avait été accidentée et que l’on a fait saillir, à 3 ans, par Trixton. Cela a donné House of Love, qui nous a fait plaisir, dès l’âge de 2 ans, en s’illustrant dans les convoitées Kentucky Proud Series, allant jusqu’à s’imposer dans la finale, au Red Mile.

En guise de conclusion, quel serait le mot de la fin ?
Il sera pour dire qu’en France, on ne devrait pas avoir peur d’oser. On peut regarder nos rivaux européens, voire américains, dans les yeux. On est en droit de penser que nous avons actuellement les deux meilleurs trotteurs d’Europe et même du monde, à savoir Horsy Dream (Scipion du Goutier) et Idao de Tillard (Severino), sans parler de Jushua Tree (Bold Eagle), capables de se distinguer ferrés, qui plus est, ce qui, à mes yeux, ajoute grandement à leur fiabilité. On peut être fier du travail accompli par nos professionnels, de l’élevage à l’entraînement, jusqu’à la touche finale du driver ou du jockey.
Aussi devrait-on laisser les acteurs des courses et de l’élevage libres d’œuvrer comme ils l’entendent –ils savent ce qu’ils font !–, tout en donnant toujours la préférence à la France, en primant les « FR », comme au galop. Au trot, on veut tellement assurer nos arrières, garantir les acquis, qu’en fin de compte, il ne se passe rien. On interdit, on contraint et, du coup, on n’avance pas. Or, qui n’avance pas recule, c’est bien connu. Le progrès naît de l’innovation, de la prospection. En résumé, il faut être de l’avant.
On est en droit de penser que nous avons actuellement, en France, les deux meilleurs trotteurs du monde, capables d’aller ferrés, qui plus est, ce qui ajoute grandement à leur fiabilité

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