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Jean-Etienne Dubois, ses confidences sur les courses | LETROT
Le grand entretien

Jean-Etienne Dubois, ses confidences sur les courses

29/08/2023 - GRAND FORMAT - 24H au Trot
Il a été l’un des hommes forts du trot des années 1990 à 2010. Jean-Etienne Dubois a quitté la France il y a huit ans pour installer sa vie en Australie, dans l’univers hippique toujours mais celui du galop. Il revient régulièrement depuis, en parfait globe-trotteur. Cette fois, la pause française se prolonge. "JET" aura passé l’été dans l’Hexagone. Sa parole est rare. Il a néanmoins accepté de parler à 24h au Trot. De ce qui l’a incité à tourner la page avec sa vie française, de son expérience australienne, le tout sous le prisme des courses.
Jean-Etienne Dubois © Elise Fossard - Jean-Etienne Dubois
Famille Dubois © ScoopDyga - De gauche à droite : Jean-Philippe, Jean-Pierre et Jean-Etienne Dubois

Qu’est-ce que vous entendez par "ouvrir le stud-book" ?
J.E.D.-. Tout simplement par ce qui avait été fait en 1985. D’ouvrir le stud-book à un niveau modéré et contrôlé à des chevaux américains et/ou européens. Bref, ramener du sang neuf. Un élevage ne peut progresser qu’avec un apport de sang neuf. Je n’étais pas revenu aux ventes de trot en France depuis longtemps et je n’ai pas senti cette envie de bouger depuis mon retour. Franchement, cet immobilisme d’élevage était surtout la raison pour laquelle j’ai stoppé il y a huit ans.

Alors parlez-nous de votre vie actuelle en Australie.
J.E.D.-. J’élève à des fins commerciales en vendant mes yearlings, je fais du pinhooking pour les breeze-up (N.D.L.R. : achat de yearlings pour les revendre quelques mois plus tard, à 2 ans, lors de ventes où les chevaux sont présentés montés et prêts à courir). J’entraîne aussi quelques chevaux, souvent des pouliches ou des chevaux qu’on n’a pas réussi à vendre.

Mais la compétition de haut niveau, celle que vous avez connue, ne vous manque-t-elle pas ?
J.E.D.-. Si mais pas tant la compétition que le contact avec le cheval. La compétition est devenue un truc de professionnels. Je regarde depuis deux mois et je constate que les courses au trot sont devenues des courses de drivers. Encore plus que lorsque j’ai quitté le circuit du trot il y a huit ans. Aujourd’hui, on est vraiment passé à un niveau supérieur de pilotage professionnel. Ce qui me manque, c’est l’entraînement, le contact avec le cheval. Au galop, je ne monte pas. Je n’ai donc aucun contact physique avec mes chevaux comme j’avais au temps du trot. Ce serait mentir que de dire que cette dimension de l’entraînement des trotteurs ne me manque pas.

Qu’est-ce qui vous attire en Australie ? Qu’est-ce qui rend le pays si séduisant à vos yeux ?
J.E.D.-. D’abord c’est un pays jeune, sur tous les points de vue. Ce pays n'a que deux cents ans. Et j'aime l'Australie parce que les courses y sont très bien organisées. Tout est fait pour qu’il y ait le maximum de partants. En Australie, ils estiment à 12 le nombre de partants minimum idéal pour les courses. Rien n’est fait pour bloquer les chevaux dans leur carrière. Par exemple, un poulain qui débute bien dans un maiden ne va pour cela être bloqué dans les handicaps. Leur système est basé sur les handicaps mais sans empêcher un cheval de Listed de trouver sa place dans des gros handicaps. Leur point fort est d’avoir un système de courses qui est simplissime avec des handicaps par catégorie qui pourraient s’apparenter aux catégories des courses au trot, définies par les gains. Par contre, comme on est dans une logique handicap, la valeur de votre cheval peut rebaisser si ses performances sont moins bonnes. Le système est simplissime avec des chevaux qui durent dans le temps grâce à un important roulement de partants. Du coup, ils ont des vieux chevaux qui courent jusqu’à 8 ans, que les gens connaissent, un peu comme nos trotteurs.

Vous y trouvez visiblement les raisons d’y rester.
J.E.D.-. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients, il n’y a pas de bon et mauvais système, mais je trouve que le système australien est bien fichu. Il est fait pour inciter les gens à acheter des yearlings. Ensuite, les chevaux se négocient online dès qu’ils ne sont pas assez bons. On peut ainsi les proposer sur un second marché des courses. Il n’y a quasiment pas de réclamer par exemple. Si des chevaux ne trouvent pas leur place à Sidney ou Melbourne, ils vont à Perth ou Brisbane par exemple. Et puis, il y a un troisième marché comme Darwin et un quatrième qui est la Thaïlande.

Bold Eagle © ScoopDyga - Jean-Etienne Dubois avec Bold Eagle en août 2014

Repères sur Jean-Etienne Dubois
■ Né en octobre 1969 (53 ans)
■ 1.512 victoires en France comme entraîneur (de 1989 à 2018) dont :
▪️ 1 Prix d’Amérique (1996 avec Coktail Jet)
▪️ 1 Prix de France (1996 avec Coktail Jet)
▪️ 1 Prix de Paris (1997 avec Défi d’Aunou)
▪️ 3 Prix René Ballière (1995 avec Coktail Jet, 1996 avec Défi d’Aunou, 2011 avec Quaker Jet)
▪️ 5 Critérium des Jeunes, etc.
■ 1.222 victoires en France comme driver
■ Un palmarès européen de premier plan avec l’Elitloppet (1996 avec Coktail Jet), le Hugo Åbergs Memorial (2001 avec Giesolo de Lou), le Kymi Grand Prix (1999 avec Défi d’Aunou), la Copenhagen Cup (1999 avec Giesolo de Lou), etc.
■ Eleveur de deux vainqueurs du Prix d’Amérique : Coktail Jet et Bold Eagle

Vues d’Europe, les courses australiennes ont l’air d’attirer un public jeune. Vous confirmez ?
J.E.D.-. Complètement. Et à la base de tout cela, il y a sans doute un principe général. Les Australiens cherchent des montages les plus simples possibles et économiquement viables pour les propriétaires et entraîneurs. On y trouve beaucoup de syndicats de propriétaires. Là-bas, c’est un cheval pour dix ou vingt propriétaires et non un propriétaire avec dix chevaux. En Australie, la simplicité est une clé de voute. Pour avoir ses agréments d’associé dans un syndicat, tout est simplifié. Tout est fait pour inciter les gens à entrer dans le business des courses. J’ai un peu le sentiment que c’est le contraire de la France avec cette chape administrative et rébarbative qui freine les vocations. Le système australien fonctionne bien et propose des courses bien dotées. Le samedi est la grande journée de courses hebdomadaire et on y trouve une incroyable jeunesse. C’est vrai partout, de Sydney à Melbourne, la majorité du public est composée de gens de 20 à 30 ans.

"En Australie, la simplicité prime partout. Tout est fait pour inciter les gens à entrer dans le business des courses."

Que diriez-vous du système français ?
J.E.D.-. Je pense qu’il pourrait être simplifié. Cela permettrait peut-être d’avoir plus de partants dans les courses. Simplifier ne veut pas dire réduire le nombre d’hippodromes. La force de la France est d’avoir plus de 200 hippodromes et d’offrir une grande diversité. Cela permet de drainer beaucoup de personnes aux courses. D’ailleurs en Australie, il y a aussi beaucoup d’hippodromes locaux dans un esprit de "courses de pays". On y va comme à la kermesse au village et les gens adorent cela.

Suivez-vous encore le trot français ?
J.E.D.-. Pas de très près. J’ai évidemment regardé les exploits de la production de Ready Cash qui a été un étalon incroyable. Je regarde surtout les grandes courses. Je trouve d’ailleurs sur ce sujet que les organisateurs du Trot ont fait un truc top en regroupant les beaux Groupes 1 sur deux ou trois grandes journées. C’est une très bonne idée. Ce sont des réunions que je regarde. Le même jour, vous voyez les meilleurs chevaux du pays et, du coup, vous êtes informé sur les acteurs du haut niveau.

Nous sommes à la vente des Rouges Terres, imaginée par votre neveu Louis Baudron. Votre impression ?
J.E.D.-. Je trouve cette initiative super. Il a fallu du courage pour la lancer. La première édition de la vente de yearlings a été réussie. La vente des Rouges Terres est plus terne. De toute façon, pour le commerce, il faut que les courses marchent et qu’elles créent de la clientèle. C’est un ensemble de choses qui conditionnent le succès.

Comment votre décision de quitter le trot et la France a été reçue dans votre famille ? Cela a pu être un choc pour certain(e)s ?
J.E.D.-. Cela a été une envie assez soudaine, essentiellement pour toutes les raisons que j’ai évoquées. Je suis parti à 45 ans et je pense qu’il y a un âge pour changer de vie et partir. Après, si vous attendez, vous ne partez plus. On est une famille d’aventuriers et de nomades et il n’y a vraiment pas eu de souci pour faire comprendre ma décision.

Bold Eagle, une fierté et un regret
Jean-Etienne Dubois : "J’aurais aimé que Bold Eagle soit un très grand étalon mais il est, pour l’instant, un étalon respectable. J’aurais aimé qu’il soit un "Coktail" bis, cela ne s’est pas fait. Bold Eagle a été le dernier grand cheval que j’ai élevé et j’en suis très fier."

 


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