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Gilles Jeziorski veut garantir les équilibres | LETROT
Candidat à la présidence de la SETF

Gilles Jeziorski veut garantir les équilibres

13/10/2023 - GRAND FORMAT - 24H au Trot
Les élections socioprofessionnelles de la Société d'Encouragement à l'Elevage du Trotteur Français (SETF) se clôtureront mardi 31 octobre à 14 heures. Ils sont 51 candidats dans les cinq collèges nationaux et 221 candidats dans ces mêmes cinq collèges déclinés dans chaque fédération régionale. Parmi eux, quatre ont fait acte de candidature à la présidence de la SETF. Nous leur avons donné la parole pour qu'ils présentent leur projet et développent en quelque sorte leur programme. Quatrième et dernier* entretien avec Gilles Jeziorski.
© ScoopDyga © ScoopDyga
©APRH - Gilles Jeziorski sur l'hippodrome de Reims ©APRH - Gilles Jeziorski sur l'hippodrome de Reims

 

LE MODÈLE DE LA SETF


Quel modèle structurel prônez-vous pour la SETF ?
Au risque de me cataloguer en homme du passé, le modèle SETF me convient très bien. C’est une association type loi 1901 qui dure depuis octobre 1864. Je ne crois pas qu’il faille la faire évoluer et, là encore, c’est une question d’équilibre. Et je trouve son Comité très équilibré avec des socioprofessionnels, qui font fonctionner la machine et sont en nombre importants, des présidents de Comités régionaux, proches du terrain, des présidents d’hippodromes. Les cooptés sont pour moi des sachants sur certains sujets. Je pense qu’on pourrait restreindre leur nombre mais, encore une fois, on est sur un équilibre. Le statut associatif de la société qui gère 400 millions d’euros de budget et les hippodromes avec plus de 200 personnes et des bénévoles me convient bien. Le statut bénévole du président, avec des responsabilités importantes, ne me choque pas. Mais il ne doit pas être un frein ou provoquer des défections. La question de sa rémunération dont j’entends parler pourrait être envisagée mais ne devrait pas être très importante et s’apparenter plutôt à un dédommagement. Le président est là pour mettre en place la politique définie par le Conseil d’Administration. Et tout cela sous la surveillance du Comité. Je ne suis pas d’accord sur l’affirmation d’avoir un chef d’entreprise comme président. Quand je vois des décisions très importantes, comme l’acquisition pour des centaines de millions d’euros d’un bien immobilier, qui ne sont même pas évoquées et votées au Comité, c’est un scandale. Un chef d’entreprise, président de sa société, prend les décisions qu’il veut car il doit les assumer. S’il se trompe, c’est lui qui paie la facture. La décision du président de la SETF doit être prise en responsabilité avec le Comité car ce n’est pas son entreprise. Je trouve aussi que le travail des Commissions est très important. Il doit servir au Conseil d’Administration et au président à prendre les décisions.

Quel positionnement du trot imaginez-vous au sein de la filière course ?
Là encore, je reviens sur la notion d’équilibre au sein de la filière. L’accord entre le trot et le galop est vital pour la conduite des courses en France et notamment dans ses relations avec le PMU qui distribue la totalité de ses bénéfices aux courses. De mon expérience, je sais que ces relations dépendent beaucoup des personnes. Il faut s’écouter. Ce qui est important, c’est la parité entre le trot et le galop. La parité concerne les chiffres et les relations. Si la balance penche de plus en plus d’un côté, on a un déséquilibre qui casse le système. Quand vous aidez les autres, vous vous aidez aussi vous-mêmes. C’est un peu ce que le Trot a fait avec les pays européens. Et on est sur la même problématique avec le galop. On est aujourd’hui à une forme de parité, ce qui n’a pas toujours été le cas avec le galop qui a longtemps eu le leadership. On pourrait encore aller plus loin dans la parité du programme, notamment sur les dimanches.

Quel rôle pour le PMU ? Comment concevez-vous le fonctionnement SETF/France Galop/PMU ?
Il y a un gros travail à effectuer sur le PMU. Je tiens d’abord à préciser que je ne suis pas de ceux qui critiquent en permanence le PMU. J’ai été président de Reims et les gens du PMU avec qui je travaillais étaient très impliqués. Le PMU doit s’appuyer sur le réseau des 213 hippodromes français. Je trouve qu’il n’y a pas assez d’interconnexions entre les hippodromes – qui accueillent deux millions de personnes chaque année – et le PMU. Aller au contact de ces personnes est le rôle du PMU. Dire que ces personnes sur les hippodromes ne font que 1 % du chiffre d’affaires des courses ne veut rien dire. C’est grâce à ces gens sur les hippodromes que le reste de la recette est là aussi. La connexion du PMU et des hippodromes est le point le plus important. Dans tous les cas, je ne suis pas pour la transformation du PMU en Société Anomyme (SA) ou pour sa privatisation. Il y a trois actionnaires dans le PMU : la SETF, France Galop et l’Etat. Le grand bénéficiaire du PMU est l’Etat avec 1 milliard d’euros de recettes. À nous de bien faire comprendre que les 70.000 emplois et l’ensemble de la filière vivent du PMU. La création de résultats passe par des réformes, comme une plus visibilité du PMU sur les hippodromes, et le lancement de nouveaux jeux. On dit depuis dix ans qu’on va avoir un nouveau jeu. Mais depuis que Carrus a inventé le Tiercé, on vit sur nos acquis. Le Quarté+ et le Quinté+ sont des déclinaisons du Tiercé. Si les allocations ont baissé de 15 % depuis 2017, c’est que le PMU a perdu sur ses recettes. On peut faire des économies mais les économies ne sont pas un programme, ni une politique.

Qu’attendez-vous du PMU dans votre modèle ?
Il y a deux poumons pour les courses. Les propriétaires et le PMU. Je suis pour que le PMU se concentre sur son cœur de métier : les courses et la prise de paris hippiques. Un point m’inquiète énormément : c’est l’arrivée de la Française des Jeux (FDJ) dans les courses hippiques. On connaît la force de frappe de la FDJ et nul ne peut dire où elle s’arrêtera. Sa position actuelle de ne pas aller sur « dur » (offres de paris ou jeux en points de vente). Dans dix ans, j’ai peur que la FDJ ne soit aussi sur le dur. Or, la FDJ reverse la taxe affectée (6 %) mais pas son résultat net comme le PMU. Et ceci est le résultat de la mandature actuelle qui a favorisé l’exposition de ZEturf en leur « donnant » la plus belle vitrine du trot avec le Prix d’Amérique. Résultat : la part de marché de ZEturf passe de 15 % à plus de 20 %. Maintenant que ZEturf a été vendu à la FDJ pour 175 millions d’euros, on est dans la position de l’arroseur arrosé et le mal est fait.

 

 FORMATION/ EMPLOI


Préambule et constat : la filière est confrontée à un problème sur les sujets de la formation et de l’emploi. Tous les socioprofessionnels font face à des difficultés dans le recrutement.

D’où vient le problème ?
L’emploi est un sujet qui préoccupe énormément les professionnels des courses. C’est un sujet partagé par beaucoup d’activités, y compris mon secteur d’origine, le notariat. Le premier problème est l’image des courses. Je vais d’abord citer le cas des apprentis. Au bout de cinquante courses gagnées, vous ne les voyez plus. Ils sont cantonnés aux seconds rôles et, très vite, ils se lassent. Ma proposition serait de les faire monter à cent courses, pour ceux qui le désirent, pour qu’ils continuent à porter la casaque plus longtemps. Cela leur donnerait une expérience supplémentaire et permettrait de conserver plus longtemps ce personnel dans la filière.
Sur le volet formation, il y a l’AFASEC qui a bien travaillé ces derniers temps en remontant les effectifs lors des deux dernières années. L’image des courses reste pénalisante dans le domaine de la formation. Il y a tout un travail de proximité à faire pour mieux présenter les courses dans les cercles équestres qui sont bondés de jeunes passionné(e)s par les chevaux. Dans cette même thématique, un travail de rapprochement avec l’Education Nationale par exemple, pour aller dans les collèges exposer aux jeunes les métiers proposés dans les courses, est un vrai projet à creuser.
Comme d’autres secteurs d’activité, je pense notamment à la restauration par exemple, l’attractivité des courses souffre aussi de ses niveaux de rémunération et des horaires de travail, incluant notamment les week-ends.

Quelles sont vos solutions pour y remédier ?
Il faut de la formation continue pour les professionnels des courses. Il serait normal d’avoir une offre et des modules de formation continue à destination des entraîneurs sur les aspects économiques, managériaux, juridiques, commerciaux, informatiques, etc. Il y a aussi beaucoup de choses à faire dans la relation entre les entraîneurs et les propriétaires.

Quelle place pour les courses dans la société (notion d’attractivité) ?
Le cours du temps a banalisé l’événement constitué à l’origine par le Tiercé. À part le Prix d’Amérique et le Prix de l’Arc de Triomphe, les courses ont évidemment énormément perdu en visibilité sur les grands médias. Avec l’équipe à laquelle j’appartenais, j’aimais bien ce qu’on avait fait sur TF1 avec la Minute Hippique. On parlait des métiers par exemple (maréchal-ferrant, entraîneur) et cela donnait une image sympathique des courses. Il faut maintenant se donner les moyens de telles vitrines car il est nécessaire d’expliquer au grand public la réalité des courses. Qui sait que les chevaux ne courent pas toute l’année et bénéficient de temps de repos par exemple ? En tant que président d’hippodrome, j’ai souvent été amené à expliquer des éléments de base sur les courses. Le contexte est aussi favorable car le cheval a une cote comme jamais il n’a eu. Il n’y a qu’à aller dans les cercles hippiques pour le constater. Il y a toujours un amour du cheval. On vit dans une société de l’image. Or, si vous ne faîtes pas passer votre message par l’image, vous n’existez pas.

 

NOTRE LIGNE ÉDITORIALE ET LA MÉTHODE RETENUE
Un éclairage s'impose à notre séquence "présidentielle". Notre ligne éditoriale est construite sur l'équité des espaces de paroles donnés à chaque candidat(e). Une exigence d'équité que nous avons concrétisée dans un questionnaire identique soumis aux quatre candidat(e)s. L'ordre de passage de nos grands entretiens avec les candidat(e)s a été tiré au sort.
Les cinq thématiques proposées à tou(te)s:
1️⃣. L'élevage
2️⃣. La SETF (modèle et rôle)
3️⃣. Formation / Emploi
4️⃣. Bien-être équin et dopage
5️⃣. Votre vision d'avenir
Sur ce point, il s'agira de nous projeter en 2030 en nous décrivant le Prix d'Amérique tel que vous l'imaginez (partants, allocations, lieu, conditions, etc.)
Carte blanche : un thème/sujet sur lequel chaque candidat(e) souhaite s'exprimer en complément

 

BIEN-ÊTRE ET DOPAGE


Bien-être équin et du cheval de course : peut-on parler de contrainte ou opportunité ?
C’est plutôt maintenant une réalité et on ne pourra plus faire sans. Lorsque j’étais président de Reims, je me souviens que les partenaires que j’invitais et à qui je faisais découvrir les courses m’interrogeaient déjà souvent sur les piquants de rêne, l’enrênement automatique, etc. Des équipements qui choquaient car ils ne les avaient jamais vus. Et dans la voiture suiveuse, ces mêmes gens réagissaient en voyant les coups de cravache. Je dis souvent à mon entourage : préparez-vous car, dans cinq ans, il n’y aura plus de cravache en course. Pour moi, il y aura forcément des réformes en ce sens là. Le sujet du déferrage interpelle aussi. Il faut, encore une fois, mieux expliquer les courses. Dire que les chevaux sont de grands sportifs, avec des temps de repos, de la thalassothérapie par exemple. Pour revenir à votre question, ou on subit le bien-être comme contrainte ou on agit et on se place dans le domaine de l’opportunité. Je suis pour agir. D’abord, c’est bon pour l’image. Et si vous subissez, ce sont les tenants du bien-être animal, même extrêmes, qui auront gagné. Si nous prenons nous-mêmes la décision, on pourra dire qu’on est responsable.

Fait-on assez et / ou assez bien dans la lutte contre le dopage ?
On a 12 millions de budget pour la lutte anti-dopage, on prélève 98 % des courses en France et on a eu 43 cas positifs l’an dernier, dont sans doute 40 cas pour médication. Il y a deux réactions possibles : soit on dit avec fierté qu’on est dans un sport propre, soit on dit qu’on gaspille notre argent. Je pense qu’on gaspille notre argent et que cet argent est mal employé. Nos méthodes de lutte anti dopage ne sont pas satisfaisantes. Je pense que les choses se passent dans la recherche avec des tricheurs qui ont toujours un coup d’avance. Il faudrait faire en sorte de rechercher les bons produits, et plutôt avant les courses, sachant que des produits disparaissent rapidement des organismes. Je ne suis pas pour réduire le budget de la lutte anti-dopage mais il est mal employé à mes yeux. Il faut en particulier renforcer la recherche et mieux travailler avec la police des jeux car il y a un travail d’investigation à entreprendre, notamment pour les achats de produits interdits sur internet.

Qui doit être le garant des règles ?
C’est la Fédération Nationale des Courses Hippiques (FNCH), comme organisatrice, qui doit être le garant des règles de la lutte anti dopage. Les propositions de déléguer à des acteurs extérieurs et indépendants des courses la lutte anti dopage ne me semblent pas apporter quelque chose de plus. Ou alors, c’est mettre une suspicion sur l’intégrité actuelle du laboratoire des courses. La Fédération des Courses fait un gros travail sur la lutte anti dopage mais on doit encore avancer pour mieux identifier les nouvelles substances dopantes et les moyens dont disposent les tricheurs de les acquérir.

 

 VOTRE VISION D’AVENIR


Décrivez-nous le Prix d’Amérique 2030 ou 2040 : Quelle est votre vision de cette course ?
J’ai deux versions (rires). Si je ne suis pas élu, le Prix d’Amérique 2030 se déroule sur un nouvel hippodrome, son allocation est de 3 millions d’euros, il y a 15 partants. Quatre ont des propriétaires français, les autres sont étrangers : du Golfe, australiens, américains, japonais, belges. Il n’y a plus que 60 hippodromes en France et les allocations de province ne dépassent pas 3.000 €. Il n’y a plus de PMH : c’est trop onéreux. Il reste 20.000 emplois dans la filière des courses. La FDJ et le PMU se partagent les paris sur le net et le réseau en dur. Les larmes de victoire des petits propriétaires de Lutin d’Isigny, d’Idéal du Gazeau et d’Oyonnax sont oubliées. On a laissé la place aux grands investisseurs. Le business a remplacé la passion.
Si je suis élu, le Prix d’Amérique se disputera à un hippodrome dont le choix appartient au Comité de la SETF. L’allocation a progressé, on est à 1,5 million d’euros. L’enjeu n’est pas vraiment l’argent mais l’immense envie du petit propriétaire que j’ai rencontré cette semaine et qui vient d’acheter avec des amis un yearling. Il me confie son rêve de gagner le Prix d’Amérique. Nous avons tous, petits ou grands, fait ce rêve. Les tribunes sont pleines, on entend « Faîtes du bruit ». La foule est enthousiaste et populaire. Il y a un show à l’américaine avec des drones qui offrent des images exceptionnelles. La passion des courses est au rendez-vous, l’image est parfaite sur les écrans d’Equidia et de TF1. Et, comme en 2024, le favori est un cheval né en France, acheté aux ventes de Caen, pour un prix raisonnable. En 2030, il y a toujours 213 hippodromes, un peu plus de 70.000 emplois dans la filière. Le PMU a repris des parts de marché grâce à l’implication de tous les acteurs de la filière. L’équilibre du trot que l’on connaît depuis toujours est respecté.

 

CARTE BLANCHE sur un sujet de votre choix

Ma carte blanche est consacrée aux propriétaires. Ils sont le deuxième poumon de l’institution, l’autre étant le PMU. D’un côté, il y a les allocations apportées par le PMU et, de l’autre, l’engagement des propriétaires qui, d’après mes statistiques, mettent dans la corbeille des institutions du trot à peu près la même chose que le total des allocations. J’en fait partie, je suis un petit propriétaire. Et je suis sur de la passion et non de la raison. Je dis toujours à mon driver, le meilleur moment pour moi est quand il enfile ma casaque. C’est ça qui me pousse avec l’adrénaline qui nait sur la piste. C’est quelque chose de formidable et d’unique. Aujourd’hui, l’image du propriétaire est galvaudée. Sa représentation renvoie à quelqu’un de riche et c’est très loin de la vérité. Cette image doit être retravaillée. Le propriétariat aujourd’hui, ce peut être en groupe d’ami(e)s, sous forme d’écurie de groupe, en location. Ce que je veux faire passer, c’est qu’on peut vivre sa passion à un prix raisonnable. Être propriétaire avec des ami(e)s, cela ne coûtera pas plus cher qu’une part de golf, de chasse ou d’autres loisirs. L’équilibre du trot est l’addition des petits et grands propriétaires. Il est important à maintenir. Ma grande réforme est la création d’un département propriétaires à la SETF, à l’image de celui qui existe à France Galop. Il faut des personnes qui se déplacent et accompagnent les propriétaires. La finalité est de générer de la reconnaissance de la qualité de propriétaire. Il faudra aussi savoir accueillir ces nouveaux propriétaires sur les hippodromes. Ce sera un travail à réaliser avec les président(e)s et les équipes des hippodromes. L’accueil en présentiel est une action importante. Plus on aura de propriétaires et plus on aura de partants. Il faut aussi réaliser un travail sur la relation propriétaire et entraîneur. L’enjeu est de guider et de rassurer les nouveaux propriétaires et cela passe par une meilleure communication avec leur entraîneur.

 

 


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