Le Prix d’Amérique en un temps record
Pour un tel champion, le Prix d’Amérique était une suite logique dans son programme. Mais il faillit ne pas le disputer, contractant la grippe un mois auparavant. A cause de cette maladie, il ne put se présenter au départ du Prix de Bourgogne. En début d’hiver, il avait cependant remporté le Prix Marcel Laurent (1’12’’7 - 2 200 m – GP), où il rendit 25 mètres à Galopin Du Ravary, puis fini quatrième de Fiesta D'anjou dans le Prix du Bourbonnais où il rendait 25 mètres. Quinze jours avant le Prix d’Amérique, il vint terminer quatrième du Prix de Belgique derrière Draga à qui il rendait 25 mètres.
Le grand jour arrivé, Général du Pommeau, présenté déferré des quatre pieds, partait favori, même si l’italien Varenne était précédé d’une grande réputation. Confiant dans la pointe finale de son cheval, Jules Lepennetier choisit d’attendre. La course fut menée grand train par First De Retz et Giant Cat, suivis par Remington Crown et Galopin du Ravary, qui furent relayés dans la montée par Varenne, venu du dernier rang après un mauvais départ. Pendant ce temps, Général du Pommeau patientait en septième ou huitième position. Mais, dans le dernier tournant, il vint facilement au côté de Varenne et le dominait déjà visiblement. Ensuite, Général, lancé par Jules Lepennetier, devait fournir une dernière ligne droite d’anthologie, surclassant ses rivaux pour gagner en 1’12’’6 (2 700 m - GP), en pulvérisant le record de la course.
Le grand professionnel suédois Stig Johansson dira peu de temps après l’arrivée : « C’est le plus grand vainqueur du Prix d’Amérique que j’ai vu ! ». A distance, Galopin du Ravary prit la deuxième place devant Varenne, Remington Crown et Fee De Billeron. Tout heureux, Jules Lepennetier déclara : « J’ai préféré attendre et tout s’est bien passé dans le parcours. J’ai toujours suivi facilement et j’ai pu venir quand j’ai voulu. Pour finir, il fonçait drôlement ! ».
Rarement en effet, on avait vu un champion finir aussi vite un Prix d’Amérique. Aussi on se doit d’oublier sa défaite une semaine plus tard dans le Prix de France (5ème) où, présenté ferré, « car il avait mal aux pieds et ne pouvait être déferré de façon rapprochée », dira son driver, pour ne retenir de lui que cette image du vainqueur solitaire du Prix d’Amérique 2000.
Général du Pommeau disputa encore quatre fois le Prix d’Amérique. Vainqueur à 6 ans donc, il finit troisième de Varenne et Fan Idole en 2001, puis deuxième de Varenne en 2002, quatrième d’Abano As en 2003 et cinquième de Kesaco Phedo en 2004 à 10 ans. Si, en 2001, il n’était pas au top de sa forme, il fut un brillant dauphin de Varenne l’année suivante où il termina à toute allure, précédant Insert Gede et Ipson De Mormal. Jules Lepennetier déclara après l’arrivée : « On n’a pas eu nos aises dans la montée où je me suis retrouvé derrière Fan Idole, qui allait plafonner. Ensuite, il a jailli quand il a vu le jour, et sans incident je crois que j’aurais pu donner chaud à Varenne à la fin ».
Pour mieux situer cet exploit, il faut savoir qu’avant lui, seuls trois champions dans l’histoire du trotting avaient réussi à se placer cinq fois dans les cinq premiers du Prix d’Amérique. Le plus célèbre reste bien sûr Ourasi (1er en 1986, 1987, 1988 et 1990, et 3ème en 1989), mais il y eut aussi Passeport (1er en 1923 et 1924, 3ème - rétrogradé de la 1ère place - en 1922, 5ème en 1921 et 1925) et Tony M (2ème en 1968, 1970 et 1973, et 4ème en 1971 et 1972). La grande Uranie aurait dû faire partie de cette liste. Elle avait gagné le Prix d’Amérique en 1926, 1927 et 1928 et avait terminé deuxième en 1930 mais, malheureusement, elle passa le poteau au galop à la deuxième place en 1929 en attaquant Templier auquel elle rendait 50 mètres. Et seuls des chevaux de la classe d’Idéal du Gazeau, Une de Mai, Re Mac Gregor, Hazleton et Tornese ont terminé quatre fois dans les cinq premiers de notre grande épreuve.
Aby avant Stockholm
Crack en France, Général du Pommeau passa aussi les frontières pour démontrer son talent, s’imposant dans le Grand Prix d’Aby en Suède dès l’âge de 5 ans. Dans sa batterie, il domina sans émotion les rapides Indian Silver et Rite On Line malgré un parcours le « nez au vent » (1’13’’4 - 2 140 m - autostart). Dans la finale, il vint en tête dès le deuxième tournant et ne fut pas menacé à la fin par Edu’s Speedy et Rite On Line (1’13’’4 - 2 140 m - autostart). L’année suivante, en septembre 2000, il s’imposa dans sa batterie de ce même Grand Prix d’Aby mais, gêné en face, il ne put rejoindre Victory Tilly dans la finale.
Auparavant, ce même Victory Tilly, véritable phénomène de vitesse qui avait détenu le record du monde en 1’08’’9 aux Etats-Unis lors de sa victoire dans le Nat Ray, avait réussi à le battre (de peu) dans une finale de l’Elitloppet inoubliable. C’est souvent lors d’une défaite que l’on peut voir la vraie valeur et la limite d’un cheval. En ce 30 mai 2000, Général du Pommeau alla au bout de lui-même, suscitant l’admiration de tous. Dans sa batterie, placé à l’extérieur de l’animateur, Victory Tilly, durant le parcours, il était resté facile deuxième (1’10’’9 -1 609 m - autostart).
Dans la finale où s’alignaient aussi Varenne, lauréat de la première batterie, Giesolo De Lou et Fan Idole, Général du Pommeau (n°4) vint de nouveau se mettre en dehors de son rival à la sortie du premier tournant. Remarquable débouleur, Victory Tilly (n°1) avait pris la tête pour avoir l’avantage de trotter à la corde, chose capitale sur une piste de 1 000 mètres comme celle de Solvalla. Or, durant tout le parcours, Général du Pommeau obligea Victory Tilly à avancer. Tous deux passèrent aux tribunes, détachés de Giesolo de Lou, Fan Idole et Varenne. Général lutta jusqu’au bout avec un courage admirable, mais ne put vaincre son rival. Attentiste, Fan Idole terminait fort troisième tout près, alors que Varenne (parti sur une petite faute) devait se contenter de la cinquième place. Un lot très relevé dans lequel Général du Pommeau se classait donc deuxième en 1’10’’7 – contre 1’10’’5 à Victory Tilly - après un second parcours « à la place du mort » le même jour, un exploit assurément.
Guillaume Bernier était présent bien entendu et dira : « Général voyageait super bien, restant toujours calme en camion comme en avion. Il ne montait pas en pression avant d’être attelé. Il restait concentré. On aurait dit un boxeur qui savait qu’il allait combattre ».
Fin de carrière
Si l’on peut considérer que Général du Pommeau atteignit son zénith au milieu de sa carrière, à 5 ou 6 ans, il réussit à conserver une grande partie de ses moyens à 7 ans, âge où il barra notamment la route du succès à Insert Gédé dans le Prix de Paris (1’14’’5 - 4 125 m). Insert Gédé était pourtant un champion très dur, mais au sprint Général du Pommeau réussit à le prendre de vitesse. Avec l’âge, comme la majorité des chevaux, même les meilleurs, il était devenu alors plus performant en pratiquant la course d’attente pour ménager sa pointe finale. Mais, même en fin de carrière, il avait su conserver son tempérament de battant et ne refusait pas le combat.
Entré tardivement au haras, Général du Pommeau ne devait pas y tracer notablement, même si Marquis Du Pommeau 1’11’’ provenant de sa première année de monte remporta le Critérium des 3 Ans en Suède et chez nous Talicia Bella 1’11’’ et Picsou Du Pommeau 1’13’’ montrèrent des moyens. Peu prolifique, il a coulé des jours heureux au haras du Pays d’Auge où il fit la monte, avant de s’éteindre le 9 juin 2024.