Si Ideal Du Gazeau remporta quatre Critériums et deux Prix d’Amérique dans les années 1980, General Du Pommeau signa également quatre victoires dans les Critériums avant de s’imposer dans le Prix d’Amérique 2000 avec son entraîneur, Jules Lepennetier. A ce jour, il reste le seul à l’avoir fait. Général, comme tout le monde l’appelait, brilla de 2 à 10 ans, réussissant une des plus grandes carrières de course de l’ère moderne. C’est son histoire que nous allons raconter.
Très joueur, Général du Pommeau naquit le 3 mai 1994 chez Jean Pichon, dans l’Orne. Celui-ci faisait alors de l’élevage après avoir travaillé à l’usine Philips de Flers et avait acheté en vente publique sa mère Actrice Du Pommeau (Le Loir-Inès du Buisson).
Une vitesse impressionnante
Le destin de Général du Pommeau prit un véritable tournant lorsque Jean Pichon, en lisant le journal un matin, décida de téléphoner à Jules Lepennetier : « Je ne le connaissais pas mais, en regardant les résultats chaque lundi dans Ouest France, je voyais qu’il gagnait deux ou trois courses tous les week-ends. Je m’étais alors dit : « Il doit être bon ! ». Je l’ai appelé et Jules a accepté de prendre le poulain dont j’avais auparavant cédé la moitié à mon ami Jacky Grisanti. Au débourrage, Général se montra capricieux, il ne se laissait pas faire, ayant du caractère ». De son côté, Jacky Grisanti se rappelle : « J’avais deux juments en pension chez Jean Pichon, mais Général du Pommeau est le premier cheval que j’ai eu en association avec lui. Il m’avait dit que, financièrement, il ne pouvait le mettre seul à l’entraînement et m’en avait donc proposé la moitié. J’avais déjà vu Général chez lui bien sûr mais bon, pour être franc, je ne suis pas de la partie, j’étais dans le bâtiment, je construisais des pavillons. Je me souviens juste lui avoir répondu : « Je vais en parler à mon épouse ». Le lendemain, je lui avais dit OK alors que je n’en n’avais même parlé à ma femme (rires) ».
Jules Lepennetier confirmera plus tard au sujet des premiers exercices de Général du Pommeau : « Il faisait beaucoup de fautes au début et était vraiment petit. Je me posais des questions… Plus tard, le jour de sa qualification à 2 ans, le 3 juillet 1996 à Laval, il était passé « juste » en 1’24’’1(1 500 m). Je m’étais dit : « Quand même vu ce qu’il montre à la maison, il vaut mieux que cela ». Dès qu’il a couru, il a été transformé. C’était un vrai compétiteur, un vrai cheval de course. Pour moi, il ressemblait beaucoup à son grand-père paternel Ejakval ».
Pour sa part, Jean Pichon explique : « Le jour de la qualification en 1’24’’, comme Jules avait qualifié ses autres poulains en 1’19’’ ou 1’20’’, on s’était dit : « Leurs propriétaires ont de la chance. Avec Général, on ne va pas aller aux courses souvent ! ». Toutefois, lors de ses débuts en septembre de ses 2 ans à Cherbourg, il était revenu finir deuxième comme une balle après un mauvais départ. Lors de sa sortie suivante, à Laval, il prit la tête tout de suite et repartit facilement sous l’attaque de Gavroche Perrine, favori à 1/10. Je m’en rappelle encore, celui-ci était annoncé tout bon. Après l’arrivée, Jean-Baptiste Bossuet était venu nous dire : « Vous avez un sacré bon cheval, car je sais ce que le mien est capable de faire ».
C’était parti. Général du Pommeau allait prendre rapidement la tête de sa génération en remportant de bout en bout, et sans émotion, le Critérium des Jeunes (1’17’’- 2 700 m - GP), Gildas Meslois et Glycine Vaumicel venant ensuite. Dans la colonne des disqualifiés, on trouvait Gavroche Perrine et Giant Cat (de la troisième place). Sa supériorité était déjà manifeste, d’autant qu’en décembre, dans le Prix Emmanuel Margoutty, il avait réalisé un exploit. Fautif au départ, il ne perdit pas loin de quarante mètres avant de revenir en tète… dès la plaine pour gagner aisément (1’18’’ 8 - 2 175 m - GP), dévoilant une vitesse impressionnante. Après un nouveau succès, à Vincennes, dans le Prix Capucine (1’16’’1 devant Gildas Meslois et Gavroche Perrine) au printemps, il fit une démonstration de sa classe l’été suivant, à Enghien, sur le mile dans le Prix Henri Cravoisier (1’13’’9 – 1 600 m - autostart).
Mais, après une onzième victoire consécutive face aux 3 ans dans le Prix Pierre Plazen, il fut battu par ses aînés dans le Prix de l’Etoile (4ème d’Elvis De Rossignol, Escartefigue et Fleuron Perrine), ayant été rejoint dès le bas de la descente par les chevaux partis 50 mètres derrière lui, et ce à la surprise générale.
Au début du meeting d’hiver, après une rentrée honorable mais pas totalement convaincante (3ème de Gavroche Perrine et Gazouillis en leur rendant 25 mètres dans le Prix Abel Bassigny), il fut disqualifié à la sortie du dernier tournant dans le Critérium des 3 Ans, où il trottait non loin du futur lauréat Gavroche Perrine. Quelque chose clochait… Après auscultations et radios, le docteur-vétérinaire René Aebischer décela « deux « chips », un dans le jarret droit et un autre dans le boulet droit : "Ils ne le gênaient pas au début mais, avec les efforts successifs, il commençait à en souffrir. Je l’ai donc opéré par arthroscopie le 2 janvier de son année de 4 ans".
Toutes les tactiques
Absent du 7 décembre 1997 au 18 mars 1998, Général du Pommeau fit sa rentrée ce jour-là, en toute fin d’hiver, dans le Prix Gaston de Wazières. Allait-on revoir le « vrai » Général ? La réponse fut positive. C’est avec panache qu’il battit Goetmals Wood et Ganymède (1’14’’ - 2175 m - GP). Le Critérium des 4 Ans était déjà en vue, surtout après sa sortie prometteuse dans le Prix Gaston Brunet où il termina deuxième, près de Gavroche Perrine, sans forcer son talent.
Le jour J, Général du Pommeau prit sa revanche sur son rival dans le grand classique des 4 ans (1’15’’ - 2 850 m - GP), venant le battre sûrement à la fin après trotté le « nez au vent » à son extérieur durant la majorité du parcours (Ganymède terminait troisième devant Go Lucky et Golf Du Pommeau) ! Or, Gavroche Perrine, invaincu durant l’hiver 1997-1998, était un vrai champion, ce qui plaçait très haut dans l’échelle des valeurs Général du Pommeau. Jules Lepennetier affirmait : « Il est capable de suivre toutes les tactiques : attendre, aller devant ou faire l’extérieur. Il est complet ».
Un troisième Critérium lui était promis durant la période estivale, le Critérium Continental, le crack s’imposant sûrement devant Ganymède, Giant Cat et Gina Des Jacquots. Parti en dehors avec le numéro 8, il vint se placer derrière les animateurs à mi-parcours pour déborder Giant Cat dans la ligne d’arrivée et résister à Ganymède. Là encore, les « lignes » parlaient en sa faveur, car Ganymède avait auparavant fini deuxième du Prix René Ballière face à quelques-uns des meilleurs chevaux d’âge du moment. Jean Pichon dira : « On a refusé une très grosse proposition d’achat lorsqu’il avait 4 ans ».
Général du Pommeau était donc bien le chef de file d’une grande génération et semblait capable de mettre ses aînés à la raison dans le Prix d’Amérique dès l’âge de 5 ans. Or, il devait rater inexplicablement son début de meeting d’hiver 1998-1999, plafonnant nettement à la fin dans le Prix du Bourbonnais et terminant non placé. Jules Lepennetier fit alors sagement l’impasse sur les grands internationaux suivants. Le champion réapparut seulement en février, alignant trois victoires consécutives à Vincennes avant d’aller au printemps à Agen battre Louise Laukko dans le Grand Prix du Sud-Ouest.
Vint ensuite le Prix René Ballière, à Vincennes, où Général du Pommeau réussit un exploit. Attentiste durant le parcours, Jules Lepennetier le fit déboîter seulement à l’entrée de la ligne droite, tandis que Remington Crown, seul en tête, semblait filer vers la victoire. Or, Général du Pommeau, terminant en trombe, vint l’ajuster (1’12’’4 - 2 100 m - GP- autostart) ! Une victoire tellement marquante pour le public présent et Jean Pichon que celui-ci n’hésite pas à dire : « Si le Prix d’Amérique reste une grande émotion vu son prestige, sa victoire dans le Prix René Ballière demeure mon plus grand souvenir de lui en compétition. Ce jour-là, il ne touchait plus terre pour finir et m’avait fait très grosse impression ». Son associé, Jacky Grisanti, le rejoint : « L’Elitloppet, c’était formidable, le Prix d’Amérique aussi, mais vraiment dans le Prix René Ballière, il avait terminé de façon sensationnelle ».
A l’époque, Général du Pommeau avait bien sûr en point de mire le Critérium des 5 Ans. Après une deuxième place derrière Gai D'hautmoniere dans le Prix Jockey, il devait remporter une nouvelle victoire de prestige dans ce classique. Jules Lepennetier pratiqua ce jour-là une course d’attente prolongée. Tandis que Giant Cat s’était détaché dans le dernier tournant, Général du Pommeau plaça une pointe de vitesse étourdissante pour finir, terminant de façon magnifique pour l’emporter en 1’13’’6 (3 000 mètres - GP). Un peu plus loin, Goetmals Wood, attentiste lui aussi, vint ravir le premier accessit à Giant Cat. Général du Pommeau était déferré des quatre pieds en cette grande occasion. Jules Lepennetier précisera ensuite : « Comme cela, il est meilleur de 25 mètres ! Mais on ne peut pas le faire souvent, car il use beaucoup la corne de ses pieds sans fers ».
Général quatre étoiles, il avait donc remporté le Critérium des Jeunes en allant devant, celui des 4 Ans en trottant en dehors du leader, le Critérium Continental en faisant un effort à mi-parcours pour venir se placer derrière les animateurs et enfin le Critérium des 5 Ans en attendant. Capable de tout faire, il demeure le seul à avoir gagné quatre Critériums sur la nouvelle piste de Vincennes où souvent une mauvaise position dans le parcours ne pardonne pas.