UN EXPLOIT INUTILE
Peu de temps avant dans le Prix de l’Atlantique (2.150 mètres-autostart) à Enghien, Buffet II devait être injustement privé d’une de ses plus belles victoires. En effet, ce jour-là, le champion de la famille Cooren faisait un véritable cavalier seul depuis la ligne d’en face lorsqu’il glissa malencontreusement dans le dernier tournant, commettant une incartade. Derrière lui, Une de Mai fit aussi une faute. Or les commissaires ne disqualifièrent que Buffet II, lequel, poursuivant sa route passa le poteau en tête, ralenti, devant sa rivale ! Beau Rivage et Volnay II venaient ensuite. Cet exploit inutile renforça la popularité de Buffet II, régulièrement applaudi ensuite par le public lors de ses sorties. Aussi, après une victoire dans le Prix Jockey, on s’attendait à un nouveau sacre dans le Critérium des 5 ans où il entra dans la ligne d’arrivée avec trois longueurs d’avance. Mais il mollit et, petit à petit, Bill D refit le terrain concédé pour venir le coiffer sur le poteau (1’20’’4-3.000 mètres-GP) ! Fautif dans la montée, Bellino II terminait troisième loin.
Une fois encore, on entendit que la longue distance était la cause de cette défaite. Mais il ne fallait pas oublier que Bill D (déjà lauréat du Critérium des 3 ans) était un champion particulièrement accrocheur, un vrai « Kerjacques ». Et qu’il avait déjà devancé Buffet II sur de longues distances à 4 ans (Prix Octave Douesnel). Louis Hanse déclarera : « Le cheval a fait sa course. Il prouve qu’il ne manque pas de tenue » tout en regrettant qu’il ait tiré dans le parcours ; « je n’ai pas pu le tenir dans la montée, sinon je pense qu’il aurait gagné. » De fait, en vitesse pure, Buffet II était supérieur à tous dans sa génération. Et juste après dans le Prix de l’Etoile, il prit sa revanche sur Bill D qu’il domina aisément. Dans la foulée, Buffet II devait remporter le Prix d’Eté (sur 2.700 mètres-GP) battant une nouvelle fois Bill D, Volnay II terminant troisième devant Amiral Williams.
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Et après un break, il devait revenir à la compétition pour le meeting d’hiver 1972-1973, se classant troisième du Prix du Bourbonnais (derrière Véronique R et Une de Mai) pour sa rentrée. Puis ce fut le Prix Marcel Laurent où il devait rendre 25 mètres sur 2.300 mètres. Déboulant vite, il régla Cotentin (parti au premier échelon) d’une encolure. Le Prix de Bourgogne (attelé-2250 mètres-GP) arriva ensuite, réunissant un plateau exceptionnel avec Une de Mai et Tidalium Pélo devant rendre 25 mètres à Buffet II, Bill D, Tony M, Vanina B, Amyot et Arménie. Favori, Buffet II s’imposa de bout en bout devant Tony M, Une de Mai, Bill D, Vanina B et Amyot (en 1’18’’8).
Le Prix d’Amérique approchait et Buffet II partit très joué (à 4/1) avec Une de Mai et Aigle Noir. Il devait décevoir ses fidèles. Car, s’il en fut l’un des animateurs avec Arménie, il céda en haut de la montée, terminant non placé, l’américain importé en Suède Dart Hanover surgissant à la fin pour régler l’animateur Tony M.
IL SURCLASSE UNE DE MAI ET BELLINO II
Cet échec ne marqua pas pour autant son déclin. Car après une deuxième place dans le Prix de Sélection en fin d’hiver et un autre premier accessit à Cagnes-Sur- Mer (derrière Une de Mai) dans le Critérium de Vitesse de la Côte-d’Azur, Buffet II renoua avec la victoire à Enghien le 8 mai dans le Prix de l’Atlantique. Détaché du peloton depuis le dernier virage, il y prit aisément sa revanche (en 1’16’’5-2.150 mètres-autostart) sur Une de Mai, Bill D finissant troisième devant Cotentin et Arménie. Buffet II avait bouclé ses derniers 500 mètres sur le pied de 1’10’’, sans paraître forcer. Particulièrement impressionnant piste plate où il pouvait donner sa pleine mesure avec son grand « braquet », Buffet II devait briller de nouveau à Enghien durant cette année 1973, y remportant le Prix d’Europe (2.800 m) et le Prix de Washington (1.600 m).
Mais auparavant il avait réussi un nouvel exploit le 21 juin à Vincennes sur les 2.350 mètres (GP) du Prix René Ballière (ex-Championnat Européen). Ce jour-là, il fit de nouveau sensation en surclassant Une de Mai et Bellino II… après avoir mené la danse depuis le départ, gagnant détaché en 1’16’’9 (sur l’ancienne piste de Vincennes moins vite d’au moins trois secondes en réduction kilomètrique que celle d’aujourd’hui). Dans le Prix de Washington, il devait rendre 40 mètres sur 1.600 mètres... Il fit le heat d’échauffement avec un pur-sang. Puis démarrant à toute allure (devant les tribunes d’Enghien), Buffet II devait pratiquement ressortir en tête du tournant du chemin de fer (arrivant juste après le départ) ! Et il l’emporta en 1’14’’7. Dans la foulée, il rendit 50 mètres dans le Prix d’Europe (2.850 mètres) mais, reprit alors de mauvaises habitudes et tira durant le parcours, gagnant de façon moins convaincante (Bary des Etangs s’enlevant à la fin alors qu’il luttait avec lui).
Durant cet été l’entourage de Buffet II refusa une invitation américaine pour le Championnat du Monde des Trotteurs à New York (« tu aurais dû y aller, tu te serais baladé » dira ensuite Jean-René Gougeon à Louis Hanse après y avoir triomphé avec Une de Mai) et courut en lieu et place un handicap (Prix de Beaugency) où il devait rendre… 75 mètres sur 2.325 mètres (GP) à Vincennes. Une tâche impossible. Buffet II, parti à toute allure (premier kilomètre en 1’13’’5) céda à la fin, demeurant sixième (à distance de la lauréate Beauchanaise F) en 1’16’’2, nouveau record de la piste de Vincennes.
Lors de cette année 1973 (sa sixième année), Buffet II avait aussi franchi nos frontières pour la première fois, allant à Munich remporter le Grand Prix de Bavière. Ce jour-là, il fit un « truc » exceptionnel car il y eut un faux départ. Et Buffet II embarqua Louis Hanse au trot, celui-ci mettant un tour pour l’arrêter. Il gagna néanmoins au second départ. Plus tard, Buffet II fit moins bien, subissant plusieurs échecs (dont un à Turin où il se montra fautif pour la première fois de sa vie) et changea d’entraîneur, passant chez Jean Mary. Pour sa première sortie avec lui, Buffet II termina deuxième d’Axius dans le Prix de la Société d’Encouragement (attelé-2.750 mètres-PP) dans lequel il rendait 25 mètres comme son vainqueur. Puis il se classa cinquième du Prix René Ballière derrière Bellino II et Timothy T. Et plus tard « il bougea d’un antérieur peu de temps avant le Prix d’Amérique, que mon père comptait gros gagner » dira Jean-François Mary. Ce fut la fin de la carrière de course du champion.
Une carrière de course certes brillante mais qui laissa tout de même un goût d’inachevé vu sa classe exceptionnelle. Charles Cooren devait dire plus tard « Louis Hanse l’a reçu à 21 ans, alors qu’il était encore apprenti et manquait donc d’expérience. Et avec le recul, étant l’associé dirigeant de ma famille dans le cheval, j’aurais dû lui demander de ne pas courir au-dessus de 2.000 mètres et d’aller plus souvent à l’étranger. Il tirait trop et ne finissait pas ses courses sur 2.700 mètres et plus. »