Un gain express de maturité
Antonin André ne le cache pas : sa préférence va et reste à la compétition. Mais l’année passée lui a ouvert les yeux en quelque sorte sur l’entraînement. "Quand vous passez de meilleur apprenti monté de France (N.D.L.R. : titre décroché en 2021) à pro avec une quinzaine de chevaux à entraîner et être patron d’une écurie, ce n’est plus du tout la même chose, décrit-il lucide. Vous ne voyez plus les choses pareilles. C’est plus de responsabilités, beaucoup plus de stress. Avant de reprendre l’écurie, je ne voyais pas plus loin que le lendemain. Aujourd’hui, il faut anticiper, voir pour les mois à venir et même la saison suivante."
Sur le même thème : Illenc des Bosc et Mathieu Mottier, l'entente parfaite
Fort de la maturité gagnée depuis et de la force de son entourage familial et amical, le jeune homme reconnaît avoir changé : "J’apprends à mieux comprendre les chevaux, à composer avec leurs humeurs. Avant, quand ça m’énervait, j’avais tendance à tout jeter et à m’en aller. Quand vous êtes patron, vous ne pouvez plus le faire. Ça m’a fait progresser énormément. Quand vous êtes le dos au mur, vous n’avez pas le choix. C’est peut-être dans ces moments-là que l’on apprend le mieux. J’ai aussi la chance d’être très bien accompagné, que ce soit ma compagne Loane Fauchon ou ma famille".
"Avant de reprendre l’écurie, je ne voyais pas plus loin que le lendemain".
Sa motivation, il la tire aussi de sa volonté de montrer à la figure paternelle qu’il peut réussir. Déjà, sa récompense de meilleur apprenti, il la voyait comme "une manière de montrer à mon père que je n’ai pas mal réussi jusqu’à maintenant", avait-il dit à l’époque. "Dans ma décision de prendre la suite, il y avait aussi quelque part la volonté de lui montrer que je pouvais le faire, renchérit-il. Mon père ne dit jamais bravo, jamais que c’est bien même quand on gagne des courses. Mais je sais très bien qu’au fond de lui, il est content."
Lutin d’Isigny (Firstly) et Jean-Paul André. C’est l’un des couples les plus populaires des années 1980, réuni par Maurice Cornière, l’éleveur et propriétaire de celui qui remporta le Prix d’Amérique en 1985 devant Mon Tourbillon (Amyot) et Minou du Donjon (Quioco) et qui alla aussi défier les américains chez eux en remportant notamment deux fois l’International Trot. Cette époque, Antonin André, né au début des années 2000, l’a vécue par procuration : "J’ai grandi avec les trophées de "Lutin", les cadres photos partout. Vous ne croisez qu’un "Lutin" dans votre vie. Aujourd’hui, cela me paraît plus inaccessible qu’avant. Quand vous êtes enfant, vous vous dites que c’est à la portée de tout le monde, que votre père l’a fait. Mais c’est un très long chemin pour y arriver. Il faut du talent, de la chance, être là au bon moment. Au final, ça ne se joue pas à grand-chose. Avoir un cheval d’exception c’est déjà très compliqué et avoir un cheval d’exception parfait le jour J ça l’est encore plus".