En ce 8 mars, journée internationale du droits des femmes, nous avons décidé de vous emmener à la rencontre de femmes aux palmarès détonants : Barbara Guenet, et ses 1001 vies hippiques, Clarisse Lelièvre, désormais incontournable dans les pelotons, et Camille Levesque qui nous dresse le bilan de son meeting d'hiver. Mais avant tout, abordons la place des femmes dans la filière. Un dossier signé Audrey Fournier.
Les voyages forment la jeunesse comme on dit !
Vous ne croyez pas si bien dire. En attendant d’avoir un poste, je suis partie avec mon fils de 5 ans et ma meilleure amie faire le tour du monde pendant cinq mois. Nous avons eu l’occasion de poser nos valises au Pérou, au Chili puis en Nouvelle-Zélande, aux Iles Fidji et en Australie avant d’arriver en Asie où nous sommes passés par Singapour, la Malaisie et la Thaïlande. Le dernier arrêt était la Laponie en décembre. J’ai toujours eu besoin de bouger et de découvrir de nouvelles choses. À notre retour, début 2010, j’ai commencé à Roissy pendant quelques mois avant que ma vie prenne un nouveau tournant.
En 2011, une rencontre s'avère déterminante dans votre chemin de vie...
Nous nous étions rencontrés, avec Guillaume Macaire, à Pompadour, un hippodrome que nous adorons. Je lui ai fait part de mon désir de monter à l’entraînement chez lui et, pendant plusieurs mois, je m’arrangeais pour venir de Chantilly monter quelques jours de suite à Royan. La vie m’a emmenée dans les Charentes dès 2011, pendant neuf ans auprès de Guillaume Macaire. Tous les matins, j’étais associée à ses chevaux avant de l'être aussi, les après-midis, en course. Pour ne rien vous cacher, j’aime le cheval bien avant la compétition. Je marche beaucoup à l’affectif et j’ai besoin de m’occuper des chevaux au quotidien. J’ai vécu de grands moments avec les chevaux d’obstacle. J’étais en confiance et il était hors de question de monter en obstacle juste pour être au départ d’une course : je voulais y être mais avec le maximum de sécurité.
Barbara Guenet en quelques dates et exploits
2006 : Première licence de cavalière
2011 : Débuts en obstacle
2012 : Championne d’Europe en plat en Hongrie
2013 : Première femme à remporter la Fegentri en obstacle, l’année de son ouverture aux femmes
2014 : Lauréate de la Fegentri en plat
2011-2019 : 8 cravaches d’Or des cavalières
2022 : Grand National des Amateurs avec Gai Matin
2024 : Premier Quinté + comme entraîneur amateur
Comment êtes-vous arrivée au trot ?
Par un concours de circonstances. Guillaume Macaire avait à l’époque un trotteur sous son entraînement à Royan et il m’avait conseillé de prendre ma licence au trot, chose que j’ai faite, sans pour autant y accorder trop de crédit. Et un jour, un amateur avait appelé Guillaume pour le déclarer sur un cheval à Senonnes lors de la réunion réservée aux amateurs : il lui avait alors répondu de me déclarer moi. Lorsque je suis arrivée, l’entraîneur me dit de préparer mon cheval pour le heat et je lui réponds : ok. Mais je n’avais jamais préparé un trotteur de ma vie. Heureusement, Gilles Alus est venu m’aider. Je suis entrée en piste avec mon avance de 25 mètres pour ne pas avoir gagné trois courses. J’ai ainsi remporté ma course au trot associée à VERDI DU CHATELET (Otello Pierji) et me voilà lancée au trot. En quelques mois, j’ai remporté mes trois courses me donnant accès à Vincennes. Quatorze mois plus tard, j’effectuais mes premiers pas à Vincennes avec Braco du Caïeu (Saxo de Vandel), entraîné par Guillaume Macaire.
Fin 2019, vous vous êtes uniquement consacrée au trot, pourquoi cette décision ?
Ma vie sentimentale avait changé et je n’avais plus le temps de m’entraîner comme il fallait pour rester compétitive en obstacle et je ne voulais pas faire les choses à moitié. J’ai rencontré Guillaume Gillot et, rapidement, je me suis essentiellement consacrée au trot, une discipline proche de l’obstacle. Je me sentais dans mon élément. Rapidement, les belles victoires sont arrivées, comme la finale du GNA à Vincennes avec Doux Parfum (Singalo) en 2019. J’ai aussi vécu une magnifique année 2022 avec Gai Matin (Rieussec) dans le circuit du GNA. Cela me rappelait mes années Fegentri où je retrouvais les mêmes cavalières lors des différentes étapes. Nous étions dans le même état d’esprit. J’ai d’ailleurs gardé une belle amitié avec Jean-Claude Louche avec qui nous avons bataillé toute l’année dans ce circuit.
Le 13 février dernier vous avez accroché une nouvelle étoile à votre palmarès avec un premier Quinté + en qualité d'entraîneur-amateur. Avez-vous rapidement réalisé ?
Déjà, je ne pensais pas en déclarant le cheval qu’il s’agissait d’un Quinté+. Ce sont des courses populaires, ma soeur et mes neveux étaient présents à mes côtés et la victoire a été encore plus belle dans ces conditions. Il me récompense des heures passées avec lui. Pour moi, cela ne change rien mais le regard des gens sur GUERRIER CASTELETS (Uniclove) est différent depuis sa victoire. Je l’avais acheté aux ventes du Prix d’Amérique en 2021 pour les courses d’amateurs. Il était très délicat et j’ai douté pendant plusieurs mois avant de trouver les bons réglages. Il a aussi pris de la maturité. Je me suis fait plaisir un petit peu avant qu’il ne monte en gains et soit désormais essentiellement dirigé vers les courses de professionnels. Il est mon seul cheval à l’entraînement et s’est imposé dès sa première sortie sous mon entraînement. Il compte depuis trois succès en dix courses. Il est très gentil et met son coeur sur la piste.
"Mon rêve serait de participer à Koh Lanta, cela fait 20 ans que je postule !" (Barbara Guenet)
Vous avez depuis quelques mois rejoint l’Afasec sur le domaine de Grosbois : encore une nouvelle aventure ?
Oui, depuis la dernière rentrée, j’ai pris la suite de Jean-Marc Walter à l’école technique avec Salomé Grillard et Bertrand Foucault. Nous avons en charge les élèves du CAPA au BTSA. J’aime beaucoup encadrer les jeunes et essayer de leur transmettre les valeurs de ce métier, cela me ramène à mes débuts de monitrice. J’aime beaucoup mon nouveau métier.
Quels sont vos prochaines cibles ?
Le circuit du Trophée Vert serait un bel objectif, il faut "juste" trouver le cheval pour faire le tour des plus belles pistes en herbe de France. Mon rêve serait de participer à Koh Lanta, cela fait 20 ans que je postule ! Je n’ai pas dit mon dernier mot et ferai tout pour y participer.
S'il ne fallait en retenir qu'une... par discipline
"La victoire de New Outlook dans la course Fegentri, le jour du Prix de Diane à Chantilly pour Gilou Barbarin, ce fut un grand moment. En obstacle, ma victoire avec Device, le frère de So French, dans le Prix Maréchal Foch, le jour du Grand Steeple en 2018 à Auteuil, reste mon plus beau souvenir. La Finale du GNA avec Doux Parfum fut intense car il est très attachant mais difficile de ne pas évoquer la victoire à Vincennes de Guerrier Castelets lors de mon premier partant comme entraîneur."
Clarisse Lelièvre, la passion avant tout
Elle est l’une des révélations, voire LA révélation, de l’année 2023 dans le rang des apprentis et a réalisé un meeting au-delà de ses espérances. Clarisse Lelièvre est revenue pour nous sur son parcours et son année exceptionnelle, avec humilité et détermination.
Issue du milieu - fille de l'entraîneur Pascal Lelièvre -, Clarisse Lelièvre a vite imaginé le travail auprès des chevaux comme une évidence. Mais il a fallu quelque temps pour faire accepter son choix à ses parents. "Ils auraient préféré une autre voie mais les chevaux ont toujours été ma passion, avec le basket, nous rapporte la jeune femme. À 18 ans, je suis partie comme fille au pair en Australie pendant près d’un an, c’était top. J’y ai eu l’occasion de travailler pendant trois mois dans une écurie. À mon retour en France, en 2017, après deux ans d'étude, j’ai obtenu un DUT dans une école de commerce à Agen tout en ayant en parallèle une licence d’amateur. Avec toujours dans la tête l'idée de revenir dans les chevaux. Fin 2019, j’ai commencé à travailler avec mon père pendant une année afin de valider une licence d’apprenti."
"J’ai beaucoup appris au niveau des ferrures auprès de Robert Bergh en Suède" (Clarisse Lelièvre)
En 2021, Clarisse se jette dans le bain et est régulièrement présente dans les épreuves d’apprentis. "J’avais envie de bouger et j’ai rejoint pendant trois mois l’écurie de Robert Bergh en Suède, histoire de parfaire mes connaissances et mon apprentissage. J’ai beaucoup appris au niveau des ferrures auprès de lui. J’ai même gagné une course en fin de séjour sur l’hippodrome d’Aby."
À son retour, pas question de se poser, les voyages se poursuivent et direction Cagnes-sur-Mer où la jeune femme effectue des meetings seule avec quelques chevaux. "J’ai appris à gérer une petite structure, avec le soutien de mon père. Cette nouvelle expérience fut très enrichissante. J'ai aussi beaucoup appris au contact des différents entraîneurs sur le site. Comme cet hiver, où j’ai pris mes quartiers à Grosbois. Le bilan est positif, l’écurie ayant réalisé un bon hiver."
Entre temps, Clarisse se distingue de plus en plus avec 171 courses disputées et 25 victoires engrangées durant l’année 2023. "Au printemps dernier, j’ai commencé à travailler chez Xavier Thielens à Cagnes jusqu’en septembre. J’ai eu la chance d’être associée à beaucoup de chevaux même dans les courses de professionnels avec de la réussite, tout en continuant de driver pour mon père. Je n’explique pas cette réussite. Tout se passait bien, tout le temps et cela continue encore. Et dans la foulée, le fait de venir à Grosbois m’a permis d’être présente dans les pelotons parisiens."
J’ai entendu plusieurs fois cet hiver, « C’est dommage que tu sois une femme ! » (Clarisse Lelièvre)
Avec la réussite que l’on connaît. Une première victoire à Vincennes le 7 décembre dernier associée à HAKIM GRIFF (Brillantissime) pour l’entraînement paternel suivi quelques jours plus tard d’une nouvelle victoire avec Josy Express (Pagalor) toujours pour son père Pascal. Avec quatre succès parisiens au cours du meeting, Clarisse est même devenue la première femme à remporter le challenge de Marolles-en-Brie. "J’ai par ailleurs terminé deuxième au classement national des apprentis loin derrière Théo Briand qui avait fait l’écart. Je ne m’attendais pas à une telle année. C’est complètement fou. Il m’arrive de me demander comment je peux avoir autant de réussite. Ma plus belle victoire restera mon succès avec ESPOIR FLYMP (Théo Josselyn) à Waregem dans le Grand Prix de la Ville pour mon père devant une foule immense. Je suis à 46 victoires moins les 9 acquises en amateurs, ce qui me fait réellement 37 victoires. J’espère poursuivre sur les bases de 2023. Mon objectif pour cette année serait de remporter le classement national des apprentis mais surtout de continuer à me faire plaisir."
À 25 ans, Clarisse vit au jour le jour et ne se donne finalement qu'un objectif : continuer. "Je ne sais pas de quoi sera fait mon avenir. Le métier est difficile et je sens que le fait d’être une femme sera une barrière, une fois que j'accéderai au statut professionnel. J’ai entendu plusieurs fois cet hiver, "C’est dommage que tu sois une femme !". J’espère pouvoir casser les codes mais je ne me fais pas trop d’illusions. Je ne sais pas où je serai dans quelques mois, mon compagnon Danny Brouwer est installé en Hollande. Est-ce que j’irai travailler avec lui ou alors faire ma vie en France ? Pour le moment, je suis incapable de vous le dire. Nous verrons le moment venu."