Si Michel Soulas est tout à sa joie et à sa fierté légitime d'avoir son premier partant dans le Prix d'Amérique Legend Race, il ne cache pas un point négatif, à savoir que Fakir De Mahey est "boudé" comme étalon, lui qui fait la monte depuis 2023 au Haras de la Beunelière en Mayenne. "Tout le monde me dit que c’est un bon cheval mais qu’il n’a pas de papier. Aujourd’hui, si vous n’avez pas de Ready Cash ou de Love You, votre étalon ne vaut rien. Le problème est là. Moi, tous mes chevaux sont des sans-papiers. Des sans-papiers qui vous gagnent 150.000 €, 250.000 € et plus de 500.000 €. Moi ça me va bien. Il y a un décalage par rapport au système actuel. La réussite sur les pistes de "Fakir" montre que l'on peut faire autrement."
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C'est bien la double casquette d'éleveur-propriétaire qui donne aux yeux de Michel Soulas toute la valeur à son parcours. "Je suis un petit éleveur-propriétaire. Je n’essaye pas cinquante chevaux tous les ans. Il y a des années où je n’ai pas de produits de mon élevage avec les tous les aléas que l'on peut connaître, si bien que j’achète à l’extérieur. C’est pourquoi cette qualification a tellement de valeur", rappelle-t-il. Elle en a d'autant plus que le parcours de Fakir de Mahey n'a pas toujours été linéaire.
Fakir de Mahey, entre espoirs et réalité
Entraîné en début de carrière par Séverine Raimond, chez laquelle Michel Soulas a alors l'ensemble de ses chevaux à l'entraînement, le fils de Rêve de Beylev dévoile rapidement du potentiel. "Jeune, il bataillait avec un cheval comme Fire Cracker, se souvient son éleveur-propriétaire. À 3 ans, on a failli le perdre en raison d’une arthrite du jarret. À deux ou trois heures près, il était mort. C’est le vétérinaire de Séverine Raimond qui l’a sauvé. Mais il lui a fallu bien deux ans pour retrouver son niveau. Par rapport à la plupart de ses contemporains, il a pratiquement deux ans de moins de courses."
Entre-temps, Fakir de Mahey a changé d'environnement et a rejoint les boxes de Mathieu Mottier à la fin de son année de 6 ans. "Un jour, Séverine Raimond m'a appelé pour dire honnêtement qu’elle n’y arrivait plus avec mes chevaux. Ça m’a mis un coup, raconte Michel Soulas. J’ai alors voulu répartir mon petit effectif chez différents entraîneurs dont Charles Cuiller sur les conseils de Séverine d'ailleurs." Pour Fakir de Mahey, ce sera Charley Mottier dont le propriétaire a croisé la route quand il était apprenti. Au bout d'une semaine, le jeune professionnel l'appelle pour lui dire qu'il ne dispose pas des infrastructures pour gérer un entier et lui propose de l'envoyer chez son cousin Mathieu. Un choix qui, trois ans plus tard, apporte toute satisfaction à Michel Soulas, encore plus au cours de ce meeting d'hiver. "Mathieu traverse une période exceptionnelle, il marche sur l’eau. Au monté, il est exceptionnel. Dans un peloton, on le reconnaît par sa position qui est la meilleure à mes yeux. Il fait complètement corps avec son cheval. Son entraînement est aussi très performant", se réjouit-il. La performance de Fakir de Mahey dimanche en est un nouvel exemple. "On était confiant, mais il a fallu qu’il supporte tout le poids de la course, note l'éleveur-propriétaire. C’est pourquoi je pense qu’il n’a vraiment pas volé sa qualification même s'il a accusé un peu le coup pour finir. Il n'a pas craqué pour autant. Il a un moteur terrible et un super mental. Il n’aime pas être derrière. Quand un cheval est devant lui, il faut qu’il aille le chercher."
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"Avec la qualification, on a le temps de le préparer pour les courses que l’on vise" (Michel Soulas)
Un programme arrêté jusqu'au Marathon
La qualification pour le Prix d'Amérique Legend Race en poche est aussi aux yeux de Michel Soulas l'assurance d'un programme établi avec en ligne de mire le Prix de Paris Marathon Race (le 23 février), dont Fakir de Mahey a terminé septième de la dernière édition. "La longue distance correspond à ses aptitudes, peut-être plus encore hier qu’aujourd’hui où il sait maintenant tout faire, note-t-il. L’an dernier, on s’est loupé dans cette course car on s’est cherché au niveau du programme. À partir du moment où il est qualifié pour le Prix d’Amérique, c’est beaucoup plus simple. C’est clair, c’est carré, alors que l’an dernier on a pris des options que l’on n’aurait pas dû prendre et on a couru des courses qui n'étaient pas pour lui. Avec la qualification, on a le temps de le préparer pour les courses que l’on vise." C'est ainsi que le pensionnaire de Mathieu Mottier devrait être à Bordeaux (le 27 décembre) avant d’aller directement sur le Prix d’Amérique Legend Race, puis sur le marathon de Vincennes.