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Les grands stylistes : Bahama, une classe folle | LETROT
Série de l'été

Les grands stylistes : Bahama, une classe folle

12/07/2024 - PORTRAITS - 24h au trot - Jacques Pauc
Nous vous proposons pendant tout l'été de retrouver les grands champions qui ont construit la légende du Trot. Chaque vendredi, nous publions un article sur un cheval d'exception. Nous entrons dans la partie des grands stylistes, première star sur la sellette : Bahama. La jument avait notamment remporté le Prix de Washington, au programme de la réunion de ce samedi 13 juillet à Enghien.
Bahama ©DR - Bahama
Bahama ©DR - Bahama au canter en Suède avec Jean-Pierre Dubois

UN DÉBUT EN FANFARE

Mais revenons à sa descendante, la championne Bahama. Celle-ci fit des débuts en fanfare à 3 ans, alignant sept victoires consécutives à Vincennes ! Elle débuta le 13 janvier 1992 sur la petite piste de Vincennes, l’emportant de bout en bout en faisant impression. « J’ai gagné mais je ne lui ai rien appris » dira Jean Pierre Dubois à sa descente de sulky.
Plus tard, il racontera : « Je n’osais pas la courir en province car elle voulait tellement foncer dès le début que j’avais peur de causer un accident au départ ! Bahama était très nerveuse, mais surtout très généreuse.» De fait, il alla la plupart du temps en tête lors de ses victoires dans les Prix Capucine (devant Bamaro King), Ozo (devant Bauxite Bocain) ou Masina. Puis il présenta Bahama…au monté (avec Michel Lenoir) dans le Prix Louis Tillaye en novembre de sa troisième année, la jument se faisant disqualifier.

A ce sujet Jean-Pierre Dubois explique : « Je l’ai mise sous la selle car Bahama commençait à prendre de mauvaises manières, tirant comme une folle parfois. Or, montée, elle était calme au travail. J’avais un jeune garçon qui s’entendait bien avec elle. Elle faisait également ses heats au monté sur l’hippodrome. Je lui faisais sauter des obstacles à l’entrainement aussi, Domingo Pérea me l’ayant conseillé : ’’ les nerveuses, fais les sauter le matin ’’. Tout cela lui avait réussi et elle était repartie alors après s’être « bloquée » un moment donné. Vous savez un truc on va le faire dix fois, cela ne marche pas et une fois cela marche. Avec elle cela avait marché
Il ajoutera : « Bahama avait été bonne tout de suite, il fallait seulement pouvoir la calmer. Question ferrure elle n’avait besoin de rien et aujourd’hui aurait couru pieds nus. Elle était enrênée très long aussi. »

Cet hiver-là, Jean-Pierre Dubois entrainant et drivant aussi Buvetier D'aunou dans la même génération allait laisser les rênes de Bahama à son fils Jean-Etienne. Celui-ci s’en servit parfaitement, tous deux s’imposant dans les deux épreuves de femelles réservées aux 3 ans, le Prix Queila Gédé (devant Bauxite Bocain) et Reine du Corta. Dans cette course la pouliche fit une impression extraordinaire. Rendant 25 mètres sur 2650 mètres, elle attendit pour finir en trombe, surclassant Bauxite Bocain (partie en tête) en 1’17’’6, dans un style éblouissant.


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Favorite du Critérium des 3 ans, elle termina bien également mais à la 3ème place seulement sans pouvoir remonter Buvetier d’Aunou et BragiBuvetier d’Aunou (mené par Jean Pierre Dubois) l’avait emporté de bout en bout (en 1’17’’9 contre 1’18’’ à Bahama-2650 m GP). Evidemment, la valeur prise par un mâle en gagnant d’un Critérium est sans commune mesure avec celle d’une femelle mais sur l’ensemble de l’année Bahama demeurait la plus douée de sa promotion. Jean-Etienne Dubois dira même : « Avec Bahama il fallait faire attention à la volte et elle pouvait se mettre à tirer. Mais c’est certainement le trotteur avec le plus de classe que j’ai drivé à ce jour (NDLR : et il a été associé à Coktail Jet, Defi D'aunou, Giesolo De Lou, Quaker Jet, The Best Madrik, etc.). Avec elle, on prenait la tête comme on voulait. Elle avait une telle vitesse. Et malgré sa grande allure, elle ne fatiguait pas. »

ELLE CONFIRME EN EUROPE

À 4 ans, Bahama allait franchir nos frontières pour aller s’imposer en Italie dans le Grand Prix d’Europe à Milan (attelé-2100 mètres-autostart en 1’15’’7), battant de peu Omsk après avoir trotté longtemps en deuxième position. Elle était drivée par Jean-Pierre Dubois comme plus tard dans le Grand Prix Continentale (attelé-2100 mètres-autostart) à Bologne, où la fille de Quito de Talonay domina Blue Dream et Omsk (en 1’15’’9) après avoir pris la tête après 400 mètres de course.

Si Bahama alla démontrer sa grande classe à l’étranger, elle ne négligea pas la France pour autant cette année-là, l’emportant du départ à l’arrivée dans le Critérium Continental (attelé-2200 mètres- utostart petite piste) à Vincennes. Elle devançait facilement Big Prestige et sa compagne d’entrainement Bambina, en 1’16’’4.
C’était en avril, quatre mois avant son succès dans le classique inter- générations Prix de l’Etoile où elle avait aussi dominé la situation en allant devant, battant Blue Dream, Autour d’Aunou, Axe Des Sarts et Abo Volo (en 1’14’’9-2200 m GP). Or, juste avant, pour son retour sous la selle, Bahama avait triomphé de Blue Dream dans le Prix Cénéri Forcinal (1’18-2175m-GP) avec François Roussel, devant peu après terminer quatrième d’Alpha Barbes dans le Prix des Elites dans cette discipline Jean-Pierre Dubois n’avait pas hésité non plus à lui faire affronter à 4 ans les meilleurs chevaux d’âge du moment dans le Prix de l’Atlantique (attelé-2100 mètres-autostart) à Enghien. Bahama y tint fort bien sa partie (en 1’16’’3), n’étant devancée de peu que par Vourasie et l’Allemand Campo Ass.


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Et en décembre 1994, on la retrouva au monté, finissant 3ème de Best Bourbon dans le Prix Philippe du Rozier (en 1’17’’9-2175 m GP) avant ensuite de faire l’impasse sur le Prix d’Amérique, attendant le Prix de France pour se mesurer à l’élite. « C’était plus une jument de vitesse, de 2200 mètres que de longues distances. Même si quand elle ne s’énervait pas elle pouvait faire 2700 mètres ou plus » dira Jean-Pierre Dubois. En tout cas, dans cet important International, elle montra sa grande classe en venant bien finir après avoir attendu, se classant 2ème de son aînée Vourasie en 1’12’’7 (attelé-2100 mètres-GP-autostart), précédant Uno Atout, Queen L et Sea Cove ! Elle attendit également dans le Prix de l’Atlantique où elle vint ravir la deuxième place à l’animateur Arnaqueur à la fin alors que Vourasie s’imposait sûrement en 1’16’’2 (attelé-2100 mètres-autostart).

En mai à Caen, elle alla triompher de Bonheur De Tillard et de Balou Boy dans le Prix des Ducs de Normandie (1’14’’1-2100 m-autostart). Ce fut le prélude à un déplacement à la fin du mois en Suède pour l’Elitloppet (attelé-1609 mètres-autostart) où Bahama se qualifia pour la Finale en se classant 4ème de Copiad dans sa batterie, puis se retrouva enfermée dans la finale, derrière un cheval sur ses fins, terminant 5ème de Copiad et Abo Volo (en 1’13’’5).

Après une deuxième place derrière Vourasie dans le Prix d’Europe et un succès aisé dans le Prix de Washington à Enghien, on la retrouva à Vincennes durant l’été pour la voir triompher dans le Prix Jockey (en 1’16’’2-2175 m GP) où elle ne força pas pour battre Buvetier d’Aunou et Best Bourbon. Mais elle dut subir la loi de Balou Boy et de Best Bourbon (disqualifié après enquète) sur les 3000 mètres du Critérium des 5 ans (en 1’15’’9), Blue Dream prenant la 3ème place.

Après une véritable promenade dans le Prix de l’Etoile avec Jean-Etienne Dubois (devant Buvetier d’Aunou et Classe De Tillard en 1’16’’2-2200 m-GP), elle reprit la direction de l’Italie pour une facile victoire dans le Palio (batterie et finale (en 1’14’’5) sur 1660 mètres autostart) à Montegiorgio en novembre et une autre à Naples en décembre dans le Grand Prix de la Flèche d’Europe (aux points), avec Jean-Pierre Dubois. Juste avant Bahama avait dû toutefois subir d’assez peu la loi de Giant Force à Milan dans le Grand Prix des Nations (2100 m-autostart en 1’15’’1 ) et celle du coriace Suédois Copiad dans la finale du Grand Prix Vittorio di Capua (en 1’12’’6-1600 mètres autostart) après avoir gagné sa batterie (en 1’13’’5).

BAHAMA AU HARAS

Ce fut un peu son chant du cygne car, après une troisième place dans le Prix de Bourgogne cet hiver-là, elle ne put se classer dans le Prix d’Amérique et de France remportés tour à tour par les championnes suédoises Ina Scot et Queen L. 4ème du Prix des Ducs de Normandie au printemps, elle termina deuxième de son cadet Coktail Jet dans le Critérium de Vitesse d’Argentan (en 1’12’’2-1609 mètres-autostart). Puis ce fut sa dernière sortie le 30 mai 1995 dans le Prix Chambon P (6ème).

Bahama entrait au haras à 6 ans. Une rentrée un peu tardive au goût de Jean-Pierre Dubois qui aime, on le sait, arrêter tôt jeunes ses bonnes juments en vue de leurs carrières de poulinières. A ce sujet, il commente : « Daniel Wildenstein m’avait acheté la moitié de Bahama et, se sentant vieillir, préférait la voir courir que d’en faire une poulinière. C’est pourquoi elle a couru jusqu’à 6 ans. Ce fut une bêtise : je l’ai faite courir six mois de trop. Elle a produit utilement, notamment les semi-classiques Nouvelle Aventure et Quelle Aventure avec Defi D'aunou. Et puis Rapide Aventure avec Love You, autre pouliche semi classique, Mercenaire (mâle de Défi d’Aunou) aussi qui gagna plusieurs courses à Vincennes. Et elle m’a donné aussi un mâle « C » de l’américain Angus Hall après Bahama Filly avec Quatre Juillet. A ses débuts elle avait produit également J'aime L'amerique avec Coktail Jet, celle-ci ne courut pas mais a donné un bon cheval au Canada, Rève d’Amérik. »

Telle est l’histoire de Bahama, cette grande jument qui avait une classe folle et sut trouver en Jean- Pierre Dubois un homme ayant su la comprendre, arrivant à canaliser justement sa « folie » tout en ne l’empêchant pas de montrer sa classe. Aujourd’hui demeure le souvenir de Bahama en action, semblant planer sur la piste à pleine vitesse, couvrant un terrain énorme. Elle nous a quittés en mars 2014.


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